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23/9/13 Thierry Desjardins
  Une Merkel française ? Nous ne la méritons pas !

Finalement, en démocratie, il est plus facile de se faire réélire que de se faire élire. Pour se faire élire, il faut raconter n’importe quoi aux électeurs, les caresser dans le sens du poil, leur promettre monts et merveilles, les séduire par tous les moyens alors qu’on ne sait même pas ce qu’ils veulent, lancer des ignominies sur ses concurrents.

Pour se faire réélire, c’est beaucoup plus simple. Il suffit… d’avoir été bon. C’est-à-dire cohérent, avec un programme cohérent. D’avoir été sans pitié, d’avoir refusé tout compromis et toute compromission. D’avoir même su se faire détester quand c’était dans l’intérêt du pays. Angela Merkel est la seule chef de gouvernement à avoir été réélue en Europe depuis que la crise ravage le continent. Tous les autres ont été balayés sans ménagement, en France, en Grande-Bretagne, en Italie, en Espagne, en Grèce, partout. Et c’est normal.

L’Allemagne s’en est beaucoup mieux sortie que tous les autres pays. Crise ou pas, elle continue à caracoler avec un taux de chômage et des déficits acceptables et une balance commerciale époustouflante. Certes, Angela Merkel a profité des réformes de fond faites par ses prédécesseurs, mais elle a su tenir la barre. Sans démagogie. François Hollande, qui la déteste et qu’elle méprise, rêvait d’une victoire de la gauche. Il en est encore pour ses frais et, avec ses 76% d’opinions défavorables en France, il va devoir se tenir comme un petit garçon devant la chancelière réélue triomphalement.

Tout le monde s’émerveille, ce matin, de la « longévité » d’Angela Merkel qui va donc entamer son troisième mandat. C’est oublier qu’Adenauer est resté au pouvoir pendant 14 ans, 1949-1963, et qu’Helmut Kohl a été chancelier pendant 16 ans, 1982-1998. Sans parler d’Helmut Schmidt ou de Gerhard Schröder qui ont régné chacun pendant 8 ans, de 1974 à 1982 pour le premier, de 1998 à 2005 pour le second.

Pendant ce temps, en France, nous pratiquions systématiquement le petit jeu de l’alternance. Depuis 35 ans, nous avons toujours sorti les sortants. Un coup à droite, un coup à gauche. 78, victoire de la droite, 81, élection de Mitterrand, 86, victoire de la droite, 88, réélection de Mitterrand, 93, victoire de la droite, 95, élection de Chirac (mais c’était contre Balladur), 97, victoire de la gauche, 2002, réélection de Chirac, 2007, élection de Sarkozy (qui avait fait toute sa campagne sur le thème de « la rupture » avec le chiraquisme), 2012, élection de Hollande. Et si Mitterrand et Chirac ont été réélus c’est parce qu’ils n’étaient plus que des présidents « de cohabitation ».

On dit parfois que c’est l’esprit gaulois de nos compatriotes qui les incite à une telle versatilité. C’est absurde. Si on observe les seuls chiffres qui comptent, on s’aperçoit que, depuis Giscard, tout n’a fait que se dégrader en France. Que la droite ou la gauche ait été au pouvoir, le chômage, la précarité, les déficits et les prélèvements obligatoires n’ont fait qu’augmenter alors que les problèmes de l’immigration et de l’insécurité s’aggravaient considérablement et que l’Etat, l’Ecole et les hôpitaux se déglinguaient totalement. Ce n’est pas pour le plaisir que les Français ont transformé leur vie politique en un véritable jeu de massacre. C’est l’incompétence notoire de leurs dirigeants à stopper la dégringolade totale du pays qui les oblige non pas à choisir un autre prétendant mais à chasser le tenant du titre.

On nous rebat les oreilles avec le « modèle » allemand. Nos voisins d’Outre-Rhin seraient plus travailleurs, plus disciplinés, auraient accepté sans broncher des réformes douloureuses, leurs syndicats joueraient le jeu, leurs patrons sauraient innover, parcourir le monde, etc. Tout cela est un peu vrai. Mais on peut aussi se demander, quand on compare nos deux pays, si ce n’est pas la compétence des uns et l’incompétence des autres qui a fait la différence.

Schmidt était, sans doute, meilleur que Giscard, Kohl meilleur que Mitterrand, Schröder meilleur que Chirac et Angela Merkel meilleure que Sarkozy et Hollande. En quelques décennies, « le vaincu de 1945 » s’est imposé dans tous les domaines, est devenu le maître de l’Europe et a même pu absorber sans guère de problèmes l’Allemagne de l’Est. Les Français rêvent toujours de trouver un nouveau De Gaulle. Un Schröder qui, avec son fameux « Agenda 2010 », osa s’attaquer à l’Etat-providence suffirait sans doute. Mais il est vrai aussi que les peuples n’ont jamais que les dirigeants qu’ils méritent.

Thierry Desjardins



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