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10/3/11 Thierry Desjardins
        Sondages, tripatouillages et manipulations !

Il va falloir que nous nous calmions avec les sondages.

Depuis dimanche dernier, tout le monde s’agitait, se désespérait ou se réjouissait parce que Le Parisien nous avait affirmé que Marine Le Pen serait en tête au premier tour des présidentielles de 2012 et qu’il était même possible que Nicolas Sarkozy soit éliminé dès ce premier tour.

Aujourd’hui, France-Soir nous sort un nouveau sondage qui, cette fois, élimine la même Marine Le Pen dès le premier tour (sauf dans le cas, tout de même bien improbable, où la gauche serait représentée par Ségolène Royal). Strauss-Kahn aurait 29% des voix, Nicolas Sarkozy 23%, Marine Le Pen 21%. En cas de candidature de Martine Aubry, elle ferait 24%, à égalité avec Sarkozy, devant Marine Le Pen à 22%. Et si c’était Hollande qui représentait la gauche, Sarkozy serait en tête avec 24%, suivi par Hollande 23% et Marine Le Pen 22%.

Récapitulons. Le Parisien donnait entre 23 et 24% à Marine Le Pen, France-Soir ne lui en accorde plus qu’entre 21 et 22%. Le Parisien donnait 21% à Sarkozy, France-Soir lui en donne 23 ou 24%. Le Parisien donnait 21% à Martine Aubry ou 20% à Hollande, France-Soir leur en donne 24 ou 23%. Ce qui est plus étonnant c’est que Le Parisien donnait 23% à DSK et que France-Soir lui en donne 29%.

Si on peut comprendre des variations de 2 ou 3%, marge d’erreur que s’accordent les instituts de sondages, on ne voit pas comment Strauss-Kahn pourrait gagner 6% en trois jours et en passant du Parisien à France-Soir. Et il est tout de même étonnant que Marine Le Pen qui était en tête dans tous les scénarios du Parisien soit éliminée dans trois cas de figure sur quatre selon France-Soir.

De deux choses l’une : soit l’un des deux instituts de sondages (Harris Interactive pour Le Parisien, l’Ifop pour France-Soir) ne sait pas travailler, soit on se moque de nous et on nous manipule.

Les techniciens des instituts de sondages ont toujours reconnu qu’ils « retravaillaient » un peu leurs résultats et notamment ceux du Front national. Il y aurait eu une époque où les sondés auraient eu honte d’avouer qu’ils avaient l’intention de voter pour Jean-Marie Le Pen, alors qu’aujourd’hui certains se « vanteraient » de s’apprêter à voter pour Marine Le Pen, sans avoir pour autant vraiment l’intention de le faire. En vertu de quoi les instituts de sondages augmentaient un peu les résultats qu’ils avaient obtenus pour Jean-Marie Le Pen et ils diminueraient un peu aujourd’hui ceux qu’ils ont recueillis pour Marine Le Pen.

Cela s’appelle du « tripatouillage ». Mais l’argument ne tient pas. Rappelons qu’en 2002, époque où les instituts de sondages sous-évaluaient encore les résultats du Front national, l’IFOP avait, le 11 avril, annoncé Jean-Marie Le Pen à 9,5%. Dix jours plus tard, il obtenait 16,86% et se qualifiait pour le second tour.

La manipulation de l’opinion est un art difficile, même si ces spécialistes de l’opinion prennent, évidemment, leurs clients pour des imbéciles. Pour expliquer le sondage d’aujourd’hui, nos experts nous disent qu’en trois jours les Français (du moins 2 ou 3% d’entre eux) ont compris que choisir Marine Le Pen était un vote inutile puisqu’elle n’avait aucune chance au second tour. Ca ne tient pas. Quand on fait un vote de protestation et même de rage, on sait très bien que son candidat ne l’emportera pas mais on veut pousser un cri de colère, ce qui n’est pas forcément inutile.

Le vrai problème de nos manipulateurs d’aujourd’hui est qu’ils ne savent pas si annoncer un succès de Marine Le Pen fera réagir les électeurs en les affolant au point qu’ils se résigneront à voter Sarkozy ou si, au contraire, cela les incitera à entrer en dissidence et à gonfler encore le flot des « furieux »…

Une chose est sûre, il va nous falloir désormais regarder ces sondages avec prudence, voire avec circonspection et, si nous en avons deux par semaine pendant ces treize prochains mois et en plus qui se contredisent, nous allons finir par nous fatiguer.

Thierry Desjardins



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