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20/11/11 Thierry Desjardins
                  On me prend pour un Shadok !

Ce n’est, bien sûr, qu’une anecdote mais elle est diablement révélatrice des incohérences et des absurdités auxquelles la décentralisation nous a conduits.

Cela fait trente ans maintenant qu’on nous rabâche que cette décentralisation a permis aux Français, aux territoires, grand mot à la mode, au peuple de prendre leur destin en main. Le peuple en question n’en semble pas toujours convaincu.

Les innombrables scandales financiers qui ont permis aux nouveaux petits potentats locaux de se faire construire des piscines aux frais de la République (et des « palais » du Département ou de la Région), l’embauche de centaines de milliers de fonctionnaires territoriaux dont on peut se demander l’utilité puisque cette embauche n’a pas été compensée par une diminution des fonctionnaires d’Etat, l’augmentation considérable des impôts locaux de toutes sortes et un certain nombre de « dysfonctionnements » plus invraisemblables les uns que les autres n’ont guère amélioré la vie quotidienne des citoyens qui ne savent désormais plus à qui s’adresser, de l’Europe, de l’Etat, de la Région, du Département, de la Communauté de communes ou de la Municipalité, ce qui leur permet de sa plaindre de tout le monde.

Voici mon anecdote. Je possède une petite maison de campagne en bord de rivière. Depuis des années, je pompe un (tout petit) peu d’eau de cette rivière pour arroser ma pelouse. Pour cela, je paie naturellement une redevance. Quand je la payais à l’Etat, elle s’élevait à 6 €. Il y a quelques années la gestion de l’eau est passée dans les compétences (mot parfaitement excessif) du Département et ma redevance, elle, est passée immédiatement de 6 à… 143 €, sans qu’on comprenne bien pourquoi. Depuis, d’ailleurs, « ma » rivière est envahie par des plantes qui prolifèrent (venues, nous dit-on, du Brésil !) et des détritus de tous genres. Du coup, les brochets ont disparu, ce qui est bien embêtant..

Mais cette année, les choses sont devenues « croquignolesques ». Je viens de recevoir du Département mon « avis de sommes à payer » pour ma « redevance AOT pour arrosage de jardin », 143 €. Comme d’habitude donc. Sauf que… cette année, en raison de la sécheresse, le préfet a interdit tout arrosage sur l’ensemble du département.

J’ai naturellement appelé le Conseil général pour leur faire remarquer qu’il y avait évidemment une erreur quelque part puisqu’on voulait me faire payer un droit que le préfet m’avait - légitimement - retiré.

Courteline mais aussi Kafka auraient adoré les réponses du rond-de-cuir de service. « Mais, Monsieur, vous êtes redevable de cette redevance puisque vous avez-vous même sollicité, voici plusieurs années, le droit de pomper l’eau de la rivière pour arroser votre jardin. Ce droit vous a été accordé. Le préfet est habilité à interdire, en cas de sécheresse, les arrosages. Mais cela ne remet pas en cause votre droit de pompage et donc votre obligation de payer cette redevance au département », « Je peux pomper mais pas arroser ? ». « Non. L’Etat a suspendu votre droit de pomper, mais pour le Département, ce droit, même suspendu, reste le vôtre, vous devez donc payer. C’est la loi. D’ailleurs, le département n’a pas à tenir compte des décisions du préfet. »

J’ai deux mois pour contester ce « titre exécutoire » et je peux, m’a dit le rond-de-cuir, m’adresser « au choix, au juge de proximité, au tribunal d’instance ou de grande instance ou au tribunal administratif ». Il a oublié la Cour européenne de justice. Mais est-elle habilitée à juger de la « connerie » de nos administrations ?

Thierry Desjardins


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