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2/11/12 Thierry Desjardins
                     Un président par accident !

Il ne faut jamais oublier que si François Hollande a été élu président de la République, c’est parce que 51,64% des Français ne supportaient plus Nicolas Sarkozy. D’ailleurs, au premier tour de cette présidentielle, il n’y avait eu que 28,63% des électeurs à choisir le candidat socialiste. Il faut aussi se souvenir que si Hollande l’a emporté aux primaires de la gauche avec 39% des suffrages, c’est surtout parce que Dominique Strauss-Kahn avait dû s’effacer pour les raisons que l’on connaît. Juste avant l’affaire du Sofitel de New-York, 68% des sympathisants de gauche préféraient DSK, contre 29% pour Hollande. Quelques mois plus tôt, Hollande faisait… 3% dans les sondages.

L’actuel président de la République a été élu « grâce » à Sarkozy et à Strauss-Kahn. Donc doublement par défaut. Il n’a pas été porté au pouvoir par l’enthousiasme délirant des foules. C’est une tare indélébile qui le marquera pendant tout son quinquennat et fait de lui si ce n’est un usurpateur du moins un président par accident.

Et d’autant que le moins qu’on puisse dire est qu’il n’a pas su se révéler, revêtir le costume, s’imposer dès son entrée à l’Elysée. Ayant compris que c’était l’antisarkozysme qui l’avait fait triompher, il a cru pouvoir s’installer sur le trône en se limitant à cette partition. En jouant le président « normal » et en détricotant les mesures-phares de son prédécesseur. Cela pouvait plaire pendant les toutes premières semaines, mais c’était, bien sûr, rapidement un peu court. Après avoir voté pour lui, les Français se sont demandé s’il n’y avait pas eu une erreur de casting. Car, en plus, la crise était là.

Premier président à n’avoir jamais, auparavant, exercé la moindre responsabilité gouvernementale, il se choisissait, prudemment, un Premier ministre qui ne s’était jamais, lui non plus, confronté aux difficultés du pouvoir. Nous avions deux débutants à la tête de l’Etat. C’était deux de trop.

Tout apparatchik qu’il ait été pendant de nombreuses années, et contrairement à ses promesses, Hollande ne pouvait d’ailleurs pas se mettre à « faire du socialisme », c’est-à-dire à augmenter inconsidérément les dépenses en tout genre. Comme l’avait dit cinq ans plus tôt Fillon, il se trouvait propulsé à la tête d’un Etat de plus en plus en faillite. Il lui fallait donc tenter de faire une politique dite « de droite », c’est-à-dire augmenter les impôts en racontant, comme toujours, que seuls les plus favorisés seraient touchés, ce qui était évidemment faux.

Pour faire bonne mesure et surtout faire croire à ses derniers adeptes qu’il était vraiment « de gauche », il parsemait sa politique de rigueur et même d’austérité de quelques ingrédients « sociétaux » à la sauce gaucho - mariage des homosexuels, vote des étrangers - ce qui exacerbait le mécontentement de ses opposants sans forcément séduire son électorat qui n’était préoccupé, comme les autres, que par la montée du chômage et la dégradation générale du pays.

On en est là, six mois après l’arrivée de la gauche au pouvoir. Avec ses sourires forcés, ses allures de benêt et ses éternelles tergiversations, le bonhomme que les Français ne connaissaient pas a déçu. Et son équipe qui multiplie les couacs, les contradictions, les volte-face aussi. Ces gens ne font visiblement pas le poids.

Ce n’est pas avec des bras cassés qu’on pourra redresser la France.

A croire qu’ils ne s’attendaient pas à leur victoire, ils ont totalement raté leurs premiers pas, ce qui les a privés de tout état de grâce, et maintenant plus personne ne croit ni en leurs solutions miracles pour juguler le chômage - les emplois d’avenir ou les contrats de génération - ni en leurs promesses inconsidérées, que ce soit celle d’inverser la courbe du chômage dès l’année prochaine ou celle de ramener le déficit à 3% du PIB dès l’année prochaine aussi. Et personne ne leur sait gré de ramener aujourd’hui (un peu) l’âge de la retraite à 60 ans.

Or, même s’il vient d’avouer pitoyablement que « c’est dur d’exercer le pouvoir », Hollande est encore là pour quatre ans et demi, qu’il le veuille ou non et d’ailleurs il l’a voulu. Même s’il regrette, sans doute, de ne plus être dans l’opposition et s’il en veut, sûrement, à DSK de lui avoir laissé sa place, il ne peut pas se contenter d’observer à la loupe sa dégringolade dans tous les sondages. Il faut qu’il fasse semblant d’assumer sa fonction.

Il pourrait, bien sûr, remplacer Jean-Marc Ayrault, qu’on compare maintenant à Edith Cresson, ce qui est évidemment la pire des condamnations. Mais, moins de six mois après l’avoir nommé à Matignon, ce serait se désavouer, voire se ridiculiser. Et d’ailleurs par qui le remplacer ?

On parle beaucoup de Manuel Valls. Le ministre de l’Intérieur est le seul de l’équipe à s’en sortir brillamment aux yeux de l’opinion, qui lui trouve maintenant quelque ressemblance avec… Nicolas Sarkozy. Mais Hollande vient de dire qu’il appréciait Ayrault parce qu’il était « loyal » et qu’il n’avait « pas d’ambition pour la suite ». On peut difficilement accorder ces deux « qualités » à Valls.

Nommer Martine Aubry ferait sûrement plaisir à la gauche qui commence à ruer dans les brancards. Mais ce serait, évidemment, un désaveu pire encore. Et on voit mal ce que pourrait faire la Dame des 35 heures contre le chômage, la dette et surtout l’angoisse des entrepreneurs et des consommateurs. Sans parler des fameux marchés et des redoutables agences de notation.

En fait, Hollande est condamné à ne rien faire et c’est, semble-t-il, ce qu’il fait de mieux. Il va lancer ses usines à gaz pour truquer les chiffres du chômage qui augmentera malgré tout, et continuer, bras dessus-bras dessous avec Ayrault, sa descente vertigineuse dans les sondages en attendant, sans la moindre illusion, les prochaines échéances électorales.

Il vient de déclarer au Monde : « La reprise va arriver. C’est une question de cycle. Il peut aussi y avoir un scénario noir, celui de la récession. Le rôle du chef de l’Etat c’est de préparer toutes les hypothèses ».

C’est bien là qu’on s’aperçoit qu’il y a eu erreur de casting. Le rôle du chef de l’Etat n’est pas d’attendre passivement la fin du cycle en se demandant si le scénario sera blanc ou noir comme un joueur de casino qui attend de voir où la boule va s’arrêter. Il n’est pas de « préparer » tranquillement, dans son bureau doré, « toutes les hypothèses ». Il est de prendre le taureau par les cornes, de refuser la catastrophe annoncée et de décider.

Mais un président « par accident » n’a pas forcément les qualités pour jouer le premier rôle. C’est comme au théâtre, avec les doublures qui tentent au pied levé d’interpréter un personnage dont elles ne connaissent même pas le texte. Le spectacle devient bien vite pitoyable. Surtout quand la pièce est déjà un drame. Le tout est de savoir quand les spectateurs qui ont payé cher leurs places vont commencer à jeter les premières tomates.

Thierry Desjardins


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