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11/6/10 Thierry Desjardins
 
    Mais Mitterrand lui-même était « polygame » !

Après s’être ridiculisé dans la pitoyable opération de « l’identité nationale », le couple infernal Hortefeux-Besson veut maintenant s’attaquer au code de la nationalité.

L’idée centrale, selon nos deux ministres, serait de pouvoir prononcer la déchéance nationale de Français naturalisés qui auraient commis des crimes ou des délits et se seraient donc montrés indignes d’être français.

Cette idée de la déchéance n’est pas nouvelle. Le gouvernement de Vichy l’avait mise en application en prononçant la déchéance nationale d’un certain nombre d’étrangers naturalisés qui s’étaient réfugiés en France et dont le seul crime avait été d’avoir voulu fuir le nazisme.

Mais – et Hortefeux tout comme Besson semblent l’ignorer, ce qui est tout de même inquiétant - cette vieille idée sordide est, encore et déjà, dans nos textes d’aujourd’hui. L’article 25 de la loi du 16 mars 1998 stipule, en effet, que « la déchéance peut être prononcée par décret après avis conforme du Conseil d’Etat, en cas d’indignité, de manque de loyalisme ou de condamnation pénale grave ».

Cela dit, cette idée qui n’a heureusement jamais été appliquée depuis les heures les plus sombres de notre Histoire, est aussi absurde que scandaleuse. D’abord, parce que, pour un même crime ou un même délit, un Français « de souche » aurait une seule et même condamnation alors qu’un Français « de fraîche date » aurait cette peine plus sa déchéance. On en reviendrait à la double peine.

Ensuite - et autrement plus grave - parce que l’usage de cette déchéance possible pour les naturalisés créerait deux catégories de Français bien distinctes : les « de souche », par définition français à vie, pour toujours, et les naturalisés qui deviendraient des Français « à l’essai », sujets à caution et pouvant perdre à tout instant leur nationalité.

Le problème auquel il faudrait sans doute s’attaquer n’est sûrement pas celui de la déchéance de la nationalité française mais bien celui de son acquisition. Aujourd’hui, on peut être français en vertu du « droit du sang » - les enfants de Français sont français -, en vertu du « droit du sol » - si un enfant d’étrangers est né sur le sol français et qu’il en fait la demande à sa majorité - ou par naturalisation.

Le droit du sang ne pose aucun problème. Le droit du sol est déjà plus contestable, surtout à l’heure des grands déplacements de population. Un pigeon né dans une écurie n’est pas forcément un cheval. Mais c’est bien sûr la naturalisation qui pose le plus de problèmes.

Actuellement et depuis des années, nous naturalisons environ 150.000 étrangers tous les ans. Ce qui permet d’ailleurs d’affirmer, d’une manière totalement absurde, que malgré un flux d’immigration (légale) d’environ 150.000 personnes par an, le nombre des étrangers en France n’augmente pas.

150.000 naturalisations par an, c’est évidemment beaucoup. 10% d’entre elles sont automatiques, ce sont les naturalisations par mariage. Le cas récent le plus connu est celui de Carla Bruni qui est devenue française après avoir épousé Nicolas Sarkozy. Cette automaticité par mariage est-elle une bonne chose ? Sans contester bien sûr le mariage de Nicolas et de Carla, rappelons que c’est par mariage que le désormais célèbre islamiste provocateur et polygame de Nantes, Lies Hebbadj, est devenu français.

Les autres naturalisations sont obtenues au cas par cas après étude des dossiers. Il faudrait sans doute renforcer (ou simplement faire appliquer) les conditions déjà dans les textes : connaissance de la langue française, engagement à respecter nos lois, présence minimum sur le sol français, etc.

Mais dans leur précipitation à réagir au moindre fait divers, Hortefeux et Besson veulent surtout changer la loi (qu’ils ne connaissent visiblement pas) pour pouvoir déchoir de leur nationalité tous les polygames naturalisés. En clair, faire une nouvelle loi pour Lies Hebbadj !

On sait qu’il y a plus de 20.000 « polygames » en France, et on peut imaginer que, pour la plupart, ce sont des étrangers, naturalisés ou pas. Tous, bien sûr, bénéficient frauduleusement de tous les avantages sociaux accordés aux familles.

Seulement voilà, d’après les textes, la polygamie ne peut pas exister en France puisqu’un polygame est un homme marié à plusieurs femmes et qu’il est impossible, en France, de se marier avec plusieurs femmes. Nos polygames sont des polygames clandestins qui, pour l’instant, ne peuvent pas tomber sous le coup de la loi.

Si l’on veut s’attaquer à cette polygamie non officielle, il va donc falloir donner une nouvelle définition à la polygamie. Quelque chose comme par exemple : « Est polygame tout individu vivant maritalement avec plusieurs femmes, ayant ou non des enfants dans divers foyers, subvenant ou non aux besoins de plusieurs familles monoparentales ».

Il sera évidemment impossible d’ajouter « à condition qu’il soit étranger ou d’origine étrangère ». Ce qui veut dire que de nombreux Français « de souche » risquent fort de tomber sous les coups de cette nouvelle loi et de devenir brutalement des délinquants.

Presque tous nos rois de France ont été polygames, selon cette nouvelle définition. Pire, François Mitterrand lui-même, avec sa « seconde famille » quasi officielle, hébergée quai Branly dans un appartement appartenant à l’Etat, et avec Mazarine, était le type même du polygame tel que voudraient le définir nos deux apprentis sorciers… Voilà qui devrait faire réfléchir Brice Hortefeux et, plus encore, Eric Besson.

En voulant faire une loi contre Lies Hebbadj, MM. Hortefeux et Besson vont encore se prendre les pieds dans le tapis. Ils devraient pourtant commencer à comprendre qu’en France on ne joue ni avec la nationalité ni avec la vie privée des citoyens.

Thierry Desjardins






 
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