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14/11/11 Thierry Desjardins
                    N’est pas Churchill qui veut !

La remontée de Nicolas Sarkozy dans les sondages réjouit, bien sûr, ses partisans et étonne les observateurs.

Certes, le Président est encore bien loin derrière François Hollande dans les intentions de vote mais ces quelques points qu’il vient de gagner permettent à certains d’imaginer que les Français, terrifiés par la crise qui ne fait que s’aggraver et en face de laquelle personne ne semble avoir la moindre solution, pourraient dans six mois préférer garder celui qui est aux commandes plutôt que de s’aventurer avec un débutant.

Un sarkoziste de choc et qui n’a pas peur du ridicule vient de déclarer : « On ne remplace pas Churchill pendant la guerre ». Nous sommes, effectivement, en guerre mais Sarkozy n’est malheureusement pas Churchill.

La question est simple : quand on est dans la tempête, au milieu du gué, faut-il changer une équipe… qui perd ?

A l’Elysée, on nous répète en boucle que la crise est mondiale, que Sarkozy a trouvé une situation déjà catastrophique en 2007, qu’il se démène avec une énergie digne de tous les éloges et que ça va nettement moins mal chez nous qu’en Grèce, qu’au Portugal, qu’en Espagne ou qu’en Italie.

En clair, de tous les « pays Club Med’ », la France serait celui qui s’en sortirait le mieux, grâce, bien sûr, à Sarkozy. Le problème est que les Français ne veulent pas admettre que la France soit un pays Club Med’ et quand on leur raconte que ça va beaucoup mieux ici qu’en Espagne ou qu’en Italie ils font remarquer que ça va beaucoup moins bien qu’en Allemagne, qu’en Hollande ou que dans tous les pays « sérieux » du nord de l’Europe.

Personne ne conteste que Sarkozy se démène comme un beau diable. Mais, pour l’instant, on ne voit pas à quoi ont bien pu servir ses innombrables rencontres avec Angela Merkel, ses sommets européens à répétition, ses rencontres planétaires du G8 ou du G20, ses projets de gouvernance économique européenne ou de moralisation mondiale de la vie financière. Jusqu’à présent, le grand spectacle qu’il nous a offert régulièrement n’a été que du cinéma et ses déclarations les plus solennelles n’ont été que de l’esbroufe.

Enfin, nous dire qu’il n’est en rien responsable de la situation ne peut que faire sourire. La droite est au pouvoir depuis dix ans, il est à l’Elysée depuis quatre ans et demi et, avec sa politique et ses « cadeaux aux riches », il a considérablement aggravé tous nos déficits, tout en étant totalement incapable de s’attaquer au drame du chômage, à la fracture sociale qui a considérablement empiré, à la désindustrialisation du pays ou au déséquilibre de notre balance commerciale.

En principe donc il devrait connaître le même sort que tous les autres dirigeants des pays Club Med’ : la porte. Comme Papandréou, Berlusconi, ou, très bientôt, Zapatero.

Mais il y a une différence. Contrairement aux Grecs, aux Italiens ou aux Espagnols, les Français ne sont pas (encore ?) descendus dans la rue. Leur « indignation » s’est limitée à acheter la plaquette de Stéphane Hessel et à jouer au yoyo avec les sondages.

Sarkozy n’a pas (encore ?) en face de lui des foules désespérées. Il n’a pour le fustiger qu’un apparatchik socialiste bon teint (« un capitaine de pédalo » dit Mélenchon) qui, après avoir eu la chance de voir éliminer, dans des circonstances invraisemblables, le candidat qui semblait s’imposer, a su terrasser ses camarades plus audacieux.

Comme tous les challengers, il veut faire rêver. C’est l’éternel « Demain, on rasera gratis », on embauchera des fonctionnaires, on fera payer les riches, avec, bien sûr, entre les lignes, la fameuse référence chiraquienne : « Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent ».

Or, on ne fait pas rêver au milieu d’un cauchemar. Churchill, puisqu’on fait désormais référence à lui, n’avait pas promis des lendemains enchanteurs aux Anglais. Il leur avait promis, certes, la victoire mais surtout du sang et des larmes.

Hollande doit évidemment changer son discours. Mais, en face d’un président encore rejeté très majoritairement, qui a « tout essayé et tout raté », a-t-il une chance de garder son avance en promettant soudain du sang et des larmes ?

On nous dit que tout va se jouer sur « la crédibilité ». C’est sûrement vrai. Si ce n’est qu’un candidat sortant n’est plus crédible après cinq ans d’échecs et qu’un challenger qui veut faire rêver ne l’est pas davantage.

Thierry Desjardins


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