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27/7/10 Thierry Desjardins
  Assassinat de l’otage français : ils nous racontent
                               n'importe quoi !


Il n’est sûrement pas facile d’expliquer l’échec d’une opération militaire et la mort d’un otage français tombé entre les mains d’une poignée de rebelles au fin fond du désert.

Et d’autant plus que - même si ces fanatiques de l’AQMI (Al Qaïda Maghreb Islamique, qui avaient déjà assassiné un otage britannique l’année dernière, avaient menacé d’exécuter Michel Germaneau ce lundi - l’opinion française est maintenant convaincue que le malheureux Germaneau a été assassiné samedi par ses ravisseurs, précisément parce que Paris avait lancé contre eux, jeudi, cette opération de commando qui a échoué.

Sarkozy et Fillon nous disent aujourd’hui qu’ils ont décidé cette opération « de la dernière chance » pour libérer Germaneau, parce qu’ils pensaient que Germaneau était… « déjà mort depuis plusieurs semaines ». L’argument ne tient évidemment pas, tant il est absurde. D’ailleurs qu’est ce qui permettait à Sarkozy de penser que Germaneau était déjà mort puisqu’il nous affirme qu’il n’avait aucun contact avec les ravisseurs et que l’échec de l’opération de jeudi a démontré qu’il n’avait pas non plus le moindre renseignement sur les rebelles ? On nous raconte n’importe quoi.

Pourquoi ne pas avouer que, convaincu que Germaneau allait être assassiné lundi, l’Elysée a décidé de tenter cette opération à grands risques et qui a malheureusement échoué ?

Il faudrait d’ailleurs analyser les causes de cet échec. La raison essentielle est que les hommes de notre commando n’avaient pas les bons renseignements. Germaneau n’était pas avec le petit groupe qu’ils ont attaqué.

Autrefois, nous connaissions parfaitement toute cette région du Sahel. Nous avions d’anciens militaires qui avaient passé des années dans des postes perdus de ce désert, des missionnaires qui avaient, autour d’un point d’eau, créé de modestes dispensaires et qui y avaient vécu pendant des décennies. Les uns et les autres parlaient les langues locales, connaissaient les tribus, leurs rivalités, leurs chefs. Ils pouvaient trouver les bons interlocuteurs, les intermédiaires et savaient négocier. Ces militaires et ces missionnaires ont disparu. On a tenté de les remplacer par les satellites qui survolent la région. Les satellites peuvent repérer trois chameaux mais ne peuvent pas en dire plus. Le Sahel est redevenu un immense mystère.

Sarkozy nous a dit : « Ce crime ne restera pas impuni ». Fillon nous a dit : « La France ne pratique pas la vengeance ». Ils auraient dû se mettre d’accord. Va-t-on, oui ou non, punir les assassins de Germaneau pour le venger ? Là encore, on nous raconte n’importe quoi.

L’aviation française peut, évidemment, envoyer trois avions qui pilonneront, en toute illégalité, quelques campements à l’est de la Mauritanie ou au nord du Mali et du Niger. Mais on ne saura jamais si ces campements étaient des bases de l’AQMI.

Au lendemain de l’attentat du Drakkar, à Beyrouth, qui avait fait 58 morts parmi nos parachutistes, l’aviation française du Clemenceau avait bombardé des camps aux environs de Baalbeck. Mais les renseignements étaient mauvais, il s’agissait de camps de réfugiés totalement désarmés.

La grande force des terroristes, même en plein désert, est qu’ils se confondent avec la population. Et que, « frapper dans le tas », c’est généralement frapper des civils totalement innocents et, bien sûr, provoquer un sentiment de haine.

Sarkozy a envoyé Kouchner à Nouakchott, Bamako et Niamey pour voir ce que la France pourrait faire « en matière de coopération militaire contre le terrorisme islamiste » avec les gouvernements mauritanien, malien et nigérien. Or, cela fait des années que ces gouvernements n’ont plus aucun contrôle sur leur pays en dehors de quelques grandes villes et que leurs maigres troupes, mal équipées, mal entraînées ont pour seule mission de protéger, dans la capitale, le président et son régime.

Comment imaginer sérieusement la moindre coopération militaire avec ces pays pour s’attaquer à un terrorisme islamiste qui, grâce à des solidarités de tribus et à une opposition larvée aux régimes en place, circule « comme un poisson dans l’eau » à travers cet immense désert ?

Pourquoi nous raconte-t-on autant de balivernes sur un sujet aussi grave ?

Thierry Desjardins


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