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22/5/10 Thierry Desjardins
        Le nouveau lapin de Sarkozy !

Nicolas Sarkozy vient de nous sortir un nouveau lapin de son chapeau. Il veut maintenant faire modifier (encore une fois) la Constitution et y faire graver dans le marbre l’interdiction pour tout gouvernement de présenter un budget par trop déficitaire.

A première vue, l’idée (qu’ont eue les Allemands et qu’avaient déjà évoquée les Américains) est séduisante. Cela va faire trente-six ans que, chaque année, nos gouvernements successifs nous présentent des budgets en déficit. D’où, évidemment, à la longue, notre dette de plus de 1.500 milliards, dette qui, bien sûr, compromet gravement l’avenir de nos enfants et qui paralyse déjà toute action véritable du gouvernement d’aujourd’hui puisque le paiement des intérêts de cette dette représente, à lui seul, l’équivalent de ce que rapporte l’impôt sur le revenu, en étant le deuxième poste de nos dépenses, juste après l’Education nationale. Et cette année tous les records sont battus avec un déficit de plus de 8% de notre PIB et une dette publique qui monte à 83,2% de ce même PIB.

Cependant, à la réflexion, l’idée est tout de même totalement stupéfiante. On imagine ce que pourrait être le nouveau texte la Constitution : « Article 20 : le gouvernement détermine et conduit la politique de la nation. Il lui est interdit de faire n’importe quoi et notamment de présenter un budget dans lequel les dépenses seraient par trop supérieures aux recettes ».

On se demande d’ailleurs pourquoi la Constitution n’interdirait pas, purement et simplement, tout déficit budgétaire, ce qui serait la moindre des choses.
A l’Elysée, on nous précise que le déficit budgétaire ne serait pas « interdit » par la Constitution mais simplement « limité ». Il s’agira, nous dit-on, d’« obliger le gouvernement à fixer un calendrier pour atteindre l’objectif de l’équilibre des finances publiques ». On pourra donc continuer à creuser tranquillement le trou de notre dette, mais gentiment, pas trop. Avec un « petit » déficit de 2%, voire 3% de notre PIB, comme le souhaitent, l’exigent les critères de Maastricht ? On ne sait pas encore.

L’Elysée précise aussi que cette réforme, si tant est qu’elle soit adoptée, n’entrerait en application qu’après 2012. Certains en ont donc conclu –peut-être un peu hâtivement- que Sarkozy n’avait plus l’intention de briguer un second mandat et qu’il entendait faire ce cadeau empoisonné à son successeur.

Le problème est maintenant de savoir comment faire adopter cette réforme constitutionnelle. Par un référendum ou par le Congrès à Versailles ? Il semble impossible de demander au « peuple souverain » si ses gouvernants peuvent ou non continuer à gérer en dépit du bon sens les finances publiques. On imagine, là encore, la question : « Souhaitez-vous que le gouvernement creuse davantage encore les déficits et donc la dette ? Oui, Non »

Au Congrès, la chose serait plus délicate. Pour qu’une révision de la Constitution soit adoptée il faut réunir les trois cinquièmes des parlementaires. Tous sont, bien sûr, favorables à un retour vers l’équilibre du budget. Tous les candidats aux élections présidentielles l’ont toujours inscrit en lettres d’or dans leur programme. Mais si nos élus étaient ainsi mis au pied du mur, l’enthousiasme et les bonnes résolutions risqueraient fort de s’estomper. Ce sont ces mêmes parlementaires (et leurs prédécesseurs) qui, depuis des décennies, votent ces budgets qui ont fait de la France à ce que François Fillon appelle, à juste titre « un Etat en faillite ».

Un retour à l’équilibre signifierait évidemment soit une augmentation considérable des prélèvements obligatoires, soit une baisse substantielle des dépenses, et sans doute même les deux.

La gauche serait favorable à une augmentation des impôts selon son vieux principe de « faire payer les riches » (et les moins riches) mais farouchement hostile à une baisse des dépenses, et la droite serait vent debout contre une nouvelle hausse des prélèvements et hésitante devant une baisse des dépenses car une réduction des budgets de l’Education Nationale, de la Santé, de la Protection sociale ou de la police serait suicidaire pour elle aux prochaines élections.

Bref, si tout le monde est d’accord pour proclamer haut et fort que nos déficits et notre dette sont devenus insupportables, personne n’est d’accord pour les réduire.

Il est d’ailleurs cocasse qu’un président qui a fait atteindre à notre déficit et à notre dette des sommets himalayens soit celui qui veuille constitutionnaliser des règles élémentaires de bon sens.

« Encore des promesses en l’air », diront certains qui verront dans ce nouveau « lapin » les premières balivernes d’un candidat pour les présidentielles de 2012.

Thierry Desjardins



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