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17/2/11 Thierry Desjardins

       Chute des dictatures : nos intellectuels sont
                             muets de douleur !

Les salons parisiens ne parlent plus que de cela. Nos intellectuels de service n’ont pas vu venir « le printemps arabe » et, pire encore, ils n’ont pas su manifester l’enthousiasme qui s’imposait devant la chute des dictateurs de Tunis et du Caire.

C’est une évidence. Nos intellectuels, pourtant habitués des plages tunisiennes et des palaces de Haute-Egypte, ne savaient pas que les foules tunisiennes et égyptiennes crevaient de faim et en avaient plus qu’assez de leurs potentats respectifs incompétents et corrompus. Entre leurs soirées de gala dans les palais présidentiels, les colloques bidons auxquels ils étaient grassement invités et les festivals de luxe qu’ils présidaient, nos intellectuels n’avaient guère le temps de visiter les quartiers populaires ou de rencontrer clandestinement les défenseurs des Droits de l’Homme ce qui aurait, de plus, souverainement déplu à leurs hôtes si généreux.

Aujourd’hui, ces mêmes « maîtres à penser » ne savent pas sur quel pied danser. Ils ne font pas confiance au « peuple », redoutent les islamistes (ce qu’on comprend) et n’aiment pas l’armée (ce qu’on peut comprendre aussi).

Du coup, ils restent… cois. Les Minc, BHL, Debray, Attali et autres Finkielkraut qui savaient tout sur tout et nous assénaient leur pensée (unique) et leur vérité à l’emporte-pièce ont disparu de nos écrans.

Ce n’est peut-être pas plus mal. Les intellectuels français sont une curieuse engeance. Après avoir été staliniens puis maoïstes, ce qui n’était déjà pas de très bonnes idées, les disciples de Sartre et d’Althusser ont continué à se tromper avec une régularité de métronome.

Ils avaient applaudi Sékou Touré, N’Krumah et Ben Bella, au moment de la décolonisation, Nasser et Tito lors de l’éveil des soi-disant « non-alignés », ils ont acclamé Castro, l’entrée des chars nord-vietnamiens dans Saigon, celle des Khmers rouges à Phnom-Penh et le triomphe de Khomeiny à Téhéran. A croire que ces défenseurs intransigeants et autoproclamés de toutes les libertés ont un fâcheux penchant pour ne pas dire une fascination amoureuse pour les pires dictatures.

Il est vrai que, de Sékou Touré à Khomeiny en passant par Pol Pot, tous ces « révolutionnaires » sanguinaires s’en prenaient toujours à l’Occident et aux « valeurs » dites « bourgeoises » qui s’appellent la démocratie, la liberté d’expression, le progrès. Les intellectuels français sont masochistes. Pour leur plaire, il faut que les nouveaux venus brûlent des drapeaux américains ou français, menacent l’impérialisme capitaliste et lapident quelques-uns de nos centres culturels.

Or, aujourd’hui et pour l’instant, les foules de Tunis et du Caire n’ont conspué ni l’Occident (pourtant bien compromis avec les dictateurs qu’elles renversaient), ni le dollar, ni le capitalisme ou la démocratie. Au contraire même. Les Tunisiens, les Egyptiens (et sans doute les Algériens, les Libyens, les Marocains, les Jordaniens, les Iraniens et tous les autres) n’ont qu’un rêve : connaître un jour les conditions de vie des pays occidentaux. Ils ne nous détestent pas, ils nous envient. Ils sont descendus dans la rue comme certains de leurs amis s’étaient embarqués dans des rafiots de fortune pour gagner la terre promise de l’Occident et quitter leur misère.

Difficile alors pour nos « grands penseurs » de leur donner raison.

Mais si demain un ayatollah fanatique s’emparait du pouvoir à Tunis ou qu’un nouveau Nasser galonné triomphait au Caire, nos intellectuels pourraient, sans doute, alors s’amouracher de ce dictateur et on les verrait de nouveau sur nos écrans faire l’article de ce nouvel « espoir ».

En attendant, c’est silence-radio.

Thierry Desjardins



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