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24/2/13 Thierry Desjardins
                    Oui, « c’était mieux avant » !

Certains amis nous reprochent d’avoir la fâcheuse tendance de trouver que… « c’était mieux avant ». Sans aller jusqu’à nous traiter de « vieux cons », ils nous accusent, à demi-mots à peine voilés, d’être des passéistes ronchons qui, à force de râler sur la situation actuelle, ont fini par idéaliser une époque révolue depuis belle lurette.

Il n’y a aucun doute qu’arrivé à un certain âge, voire à un âge certain, on pense très naturellement que c’était mieux quand on était… jeune. Il paraît que, depuis la plus haute antiquité, « les vieux » ont toujours été nostalgiques de leurs jeunes années et ont toujours affirmé aux « jeunes » que, de leur temps, les choses allaient beaucoup mieux.

Cela dit, il serait tout de même intéressant de se demander, en toute objectivité bien sûr, si la France des années 1960-70 n’offrait pas aux jeunes de l’époque que nous étions une vie plus agréable et surtout des perspectives plus encourageantes que celles que connaissent nos jeunes d’aujourd’hui.

C’était l’époque où de Gaulle était à l’Elysée et Pompidou à Matignon. Tout n’était pas forcément facile. Nous sortions à peine de la guerre d’Algérie, des centaines de milliers de jeunes métropolitains avaient été envoyés dans les djebels, un million de Pieds-Noirs avait débarqué à Marseille, une petite valise à la main, en quelques semaines, et en même temps la France se métamorphosait totalement, passant brusquement d’un pays de paysans à un pays industriel, des campagnes aux villes et à leurs banlieues, et les enfants du baby-boom déferlaient dans les écoles…

Mais le chômage n’existait pas, l’insécurité non plus, nous n’avions pas de problème d’immigration, nous lancions « Le France », la « Caravelle », la « DS », toutes nos industries étaient florissantes, il y avait des chantiers partout, on construisait des « villes nouvelles », on aménageait le territoire et tous les foyers français, ou presque, voyaient leur niveau de vie progresser considérablement, achetaient leur logement, leur voiture, leur frigidaire, et surtout savaient que leurs enfants auraient une vie encore meilleure que la leur.

Oui, c’était mieux avant, même si nous n’avions ni téléphones portables ni ordinateurs. Et qu’on ne nous raconte pas que nous vivions sous la chape de plomb d’une dictature gaulliste. Aucun chef d’Etat n’a sans doute été aussi raillé et aussi critiqué que le Général.

Et puis, mais cet aspect des choses est totalement incompréhensible pour les jeunes générations d’aujourd’hui, la France était respectée de par le monde, la voix de la France écoutée. Il serait cruel de vouloir comparer les discours de Dakar (de Sarkozy ou de Hollande) avec, par exemple, le discours de Phnom-Penh. Sans parler du couple de Gaulle-Adenauer qui avait tout de même une autre allure que le couple Hollande-Merkel.

Naturellement, tout a changé. La mondialisation, avec l’émergence ravageuse des pays qu’on appelait alors « du Tiers-monde », a chamboulé l’économie mondiale et, éberlués devant cette agression, nous avons laissé sombrer nos industries. La construction à marche forcée d’une Europe « fédérale » (dont nous ne voulions pas) nous a entraînés dans le tourbillon de la décomposition. L’accumulation de lois et de textes réglementaires nous a, dans un délire normatif inouï, conduits à paralyser le pays. Le tricotage incessant de notre filet de protection sociale a fait perdre au mot « solidarité » tout son sens et conduit notre système d’assistanat généralisé à la faillite. L’école, prisonnière de quelques gourous révolutionnaires, est devenue une fabrique d’analphabètes et de chômeurs. Les services publics se sont transformés en usines à gaz inefficaces et ruineuses, etc.

« Avant », nous étions fiers ou du moins contents d’être français et nous souriions à l’avenir qui semblait, lui aussi, nous sourire.

Aujourd’hui, les jeunes, quand ils sont surdiplômés, partent vivre à l’étranger et les autres jonglent entre les emplois jeunes, les emplois d’avenir, les contrats de génération, c’est-à-dire les bonnes œuvres de la République, des emplois bidons et éphémères qui n’ont d’autre but que de maquiller l’agonie de notre économie. Les moins jeunes redoutent le chômage et s’affolent devant la dégringolade de leur niveau de vie. Les vieux tremblent pour leurs retraites. Et pour expliquer nos malheurs, si ce n’est nous consoler, nous nous vautrons dans la repentance.

On dira que le vent de l’Histoire est sans pitié, qu’il n’y a rien à faire et que, comme l’écrivait Paul Valéry, « les grandes civilisations savent désormais qu’elles sont mortelles ». C’est vrai.

Mais « les vieux ronchons passéistes » se souviennent qu’en 1958 la France de la IVème République était à l’agonie, épuisée par ses guerres coloniales, ses crises ministérielles, ses déficits, ses grèves dures, et qu’il avait « suffi » que « le plus illustre des Français » (comme avait dit Coty) qui, lui, avait « une certaine idée de la France », revienne au pouvoir pour qu’en quelques mois le pays renaisse de ses cendres, que l’économie redémarre, que la voix de la France soit de nouveau entendue et que « les veaux » reprennent espoir.

L’ennui aujourd’hui c’est que nous n’avons plus personne « en réserve », à Colombey ou ailleurs, et surtout que plus personne dans le pays ne se fait la moindre « idée » de ce que pourrait être la France.

Oui, « C’était mieux avant » !

Thierry Desjardins


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