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5/7/11 Thierry Desjardins
   DSK : Bravo pour le feuilleton, mais on se lasse !

Le feuilleton est un art difficile. On s’en aperçoit avec les navets que nous offre régulièrement la télévision. Pour qu’un feuilleton soit captivant, il faut des coups de théâtre, des renversements de situation, que les masques des personnages s’abattent les uns après les autres, que les gentils deviennent méchants et les méchants gentils mais aussi qu’on puisse apercevoir, poussés jusqu’à la caricature, tous les problèmes de notre société, le pouvoir, la mondialisation, le rôle de médias, celui de la justice, l’immigration, la discrimination, avec, bien sûr, les deux ingrédients de base : le sexe et l’argent.

Mais les scénaristes doivent éviter deux écueils : la lassitude des spectateurs et, surtout, les répétitions. Car le chaland est sans pitié. Il s’ennuie dès que l’histoire bégaye et s’empare alors aussitôt de son zappeur.

Il faut reconnaître que le feuilleton DSK était jusqu’à présent passionnant. Bien meilleur que le feuilleton Woerth de l’année dernière. Tout y était : le sexe et l’argent, bien sûr, le coup de théâtre du 15 mai que certains ont qualifié de « tsunami », l’homme « le plus puissant de la planète » soudain menotté et trainé, mal rasé, devant un tribunal, la pauvre petite immigrée violentée, le juge insensible aux puissances de la renommée, et puis, six semaines plus tard, le nouveau coup de théâtre, qualifié cette fois de « coup de tonnerre », « le salaud », maitre du monde et richissime, n’était que « la victime » innocente d’un piège sordide et peut-être même d’un complot, « la pauvrette » venue du fin fond du tiers-monde n’était qu’une prostituée entre les mains de trafiquants de drogue.

Le public, bon-enfant, les yeux écarquillés et la bouche grande ouverte, avale avec délectation tout ce qu’on lui raconte. Il gobe, il gobe. Personne n’a mis une seule seconde en doute le deuxième coup de théâtre et ne s’est étonné que la pauvre « victime » du premier acte devienne comme par enchantement une horrible « coupable » dès le deuxième acte. Pourtant les avocats du « salaud » nous avaient bien prévenus, ils feraient tout pour discréditer, autant dire salir celle qui se prétendait être victime.

Pour le troisième acte, on attendait un nouveau tsunami avec officines et cabinets noirs cachés dans les couloirs du pouvoir. Mata-Hari et KGB. Mais les scénaristes n’ont pas osé. Un peu gros. Alors, à court d’imagination, ils répètent les débuts de l’histoire et nous ressortent une très vieille histoire de viol. Le « salaud » du premier acte, devenu « victime » au deuxième acte, se transforme en « multirécidiviste » au troisième.

On ne suit plus. Pourquoi Tristane Banon a-t-elle attendu huit ans pour déposer plainte ? Pourquoi, après avoir déclaré qu’elle ne voulait pas interférer dans les épisodes américains, entre-t-elle soudain en scène alors que DSK est toujours sous le coup de sept inculpations à New-York ?

Le public se lasse. Et d’autant plus qu’il connaît désormais la fin de l’histoire. Le salaud-victime-multirécidiviste ne sera jamais président de la République. Il a été brûlé par les feux de la rampe. Peut-être finira-t-il dans une clinique élégante où l’on soigne certaines addictions. Et les deux figurantes couleront, sans doute, des jours heureux après avoir touché de beaux cachets pour leur petite apparition dans le feuilleton.

Thierry Desjardins


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