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23/11/08 Claude Reichman

Debout, les chefs d’entreprise !

La crise a beau être mondiale, elle va se mesurer au niveau national. Tant il est vrai qu’il existe encore des gouvernements dans tous les pays et qu’ils sont jugés par les peuples sur leurs actes. Même dans l’Union européenne, et en dépit des directives communautaires, des règlements et des arrêts de la Cour de justice des communautés européennes, qui en principe s’imposent à tous les Etats, ceux-ci mènent des politiques fort différentes qui les mettent dans des positions qui n’ont souvent rien de comparable. Prenons le cas de la France et de l’Allemagne, qui forment le couple de base de l’Union. En moins de dix ans, ces deux pays ont complètement divergé. L’Allemagne est à l’équilibre en termes budgétaires et elle bénéficie d’un excédent commercial annuel de 200 milliards d’euros. La France est en déficit chaque année d’environ 40 milliards d’euros (cela sera plus cette année), et elle souffre d’un déficit commercial du même montant. Et tout cela dans la même zone monétaire et avec des lois qui, à 80 %, sont d’origine communautaire !

Comment cela a-t-il été possible ? Tout simplement l’Allemagne a, depuis une dizaine d’années, comprimé ses coûts salariaux et ses dépenses publiques, tandis que pendant la même période la France continuait de vivre à crédit et de laisser filer ses dépenses sociales qui, faut-il le rappeler, sont un élément majeur du coût salarial puisque les cotisations dites « patronales » ne sont qu’une partie du salaire qu’on a d’ailleurs longtemps appelée « salaire différé », avant d’oublier l’expression pour éviter qu’elle ne donne l’idée aux travailleurs de demander qu’on leur verse ce salaire tout de suite. Le résultat est que la France accuse aujourd’hui un différentiel de 9 points de PIB avec l’Allemagne, ce qui signifie que notre pays dépense 171 milliards d’euros de plus qu’il ne faudrait si elle voulait se mettre au niveau de notre voisin d’Outre-Rhin ! Comme l’Allemagne est notre principal client et fournisseur, la seule question qu’il faille se poser est la suivante : pendant combien de temps encore la France tiendra-t-elle le coup, avant que son effondrement économique interdise à l’Etat de continuer à emprunter. Il semble bien qu’à cet égard la défiance soit déjà installée et que les détenteurs d’obligations d’Etat françaises soient en train de s’en débarrasser.

C’est la raison pour laquelle M. Sarkozy plaide pour un plan de relance européen, tandis que l’Allemagne freine des quatre fers et déclare même par la voix de son ministre des finances, Peer Steinbrück, qu’un tel plan « brûlerait seulement beaucoup d’argent, sans grand effet réel ». Autrement dit, l’Allemagne qui, par ailleurs, n’envisage pas pour l’instant d’aider son industrie automobile, se sent assez forte pour s’en sortir toute seule et n’entend pas voler au secours du panier percé français.

Dans le même temps, l’industrie automobile française s’effondre non seulement pour cause de crise mondiale, mais aussi et surtout faute d’un marché intérieur solide. Les industriels français ont oublié que c’est le marché national qui est le fondement de leur solidité Or ils se sont moqués comme d’une guigne de l’appauvrissement du pays, dû pour l’essentiel à l’excès des prélèvements sociaux qui ont rogné les salaires au-delà du raisonnable, réduisant à la portion congrue le pouvoir d’achat des travailleurs.

Qu’on me permette un souvenir personnel. J’ai tenté récemment - avant la crise - d’attirer l’attention du dirigeant d’un grand groupe industriel, à la demande d’un de ses principaux actionnaires, sur l’urgence d’introduire la concurrence en matière de protection sociale afin d’en diminuer le coût et de redonner du pouvoir d’achat aux salariés. Bien que la demande d’entrevue n’émanât pas de moi mais de quelqu’un dont il tenait sa fonction, il s’est très poliment excusé de n’avoir pas de temps à consacrer à ce problème. Aujourd’hui, son industrie est au trente-sixième dessous et son actionnaire a perdu plus de 70 % de la valeur de son capital. Quant à lui, il a résilié ses fonctions à temps (mais peut-être ne fut-ce qu’un hasard) et coule des jours paisibles dans d’autres activités.

La leçon de tout cela ? Quand ce sont des salariés richement payés qui dirigent des entreprises où ils n’engagent pas leur propre argent, il ne faut pas attendre d’eux qu’ils mettent tout leur cœur et toute leur âme à les défendre. Et comme ils sont presque tous issus de la haute fonction publique, ils ne veulent en aucun cas remettre en cause le système social français qui est le fondement de leur pouvoir sur la société. D’ailleurs le Medef n’est-il pas depuis toujours le cogérant de ce système ?

Disons le avec toute la netteté requise : ce sont les chefs d’entreprise qui, après les politiciens, sont responsables de l’effondrement économique de la France. Ils sont 2 700 000, la plupart à la tête de moyennes, petites et très petites entreprises. Qui les représente ? Personne. Ni le Medef, ni la CGPME, ni quelques vagues syndicats mouillés jusqu’au cou dans le système ne parlent pour eux, ne font pression sur les politiciens, n’interpellent l’opinion. Seul dans son coin, le petit patron se sent trahi, fragile et sans pouvoir sur la marche du pays. Et pourtant, c’est lui qui le fait marcher ! L’histoire économique et sociale de la France, c’est l’histoire d’une usurpation permanente. Les hauts fonctionnaires se sont emparés de tous les leviers du pays et le dirigent en s’appuyant sur des organisations professionnelles à leur solde, étouffant toute expression contestataire et, finalement, conduisant des millions de Français à l’abattoir en faisant en sorte qu’on n’entende pas leurs cris, mieux : en leur ôtant jusqu’à l’envie de crier !

La grande crise mondiale va faire place nette. Le système français ne s’en relèvera pas. Il faut d’ores et déjà jeter les fondations du renouveau. Il passera par l’affirmation du droit de propriété : de chacun sur les fruits de son travail et sur les biens qu’il permet d’acquérir. Autrement dit, tout prélèvement abusif, qu’il s’agisse d’impôts ou de cotisations sociales, doit être banni. Le citoyen doit payer les frais d’un Etat chargé de le protéger, point final. Tout le reste est du ressort de l’initiative et de la responsabilité individuelles. A ne pas se réorganiser ainsi, la France sombrera définitivement, éliminée de l’histoire par ses propres errements.

Maintenant, si vous voyez, dans le personnel politique actuel, quelqu’un qui soit capable de conduire un tel changement, surtout ne gardez pas son nom pour vous. Sinon, retroussez-vous les manches et mettez vous tout de suite au travail : c’est vous qui allez devoir redresser votre pays !

Claude Reichman
Porte-parole de la Révolution bleue.

 

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