www.claudereichman.com


Accueil | Articles | Livres | Agenda | Le fait du jour | Programme

A la une

10/12/16 Claude Reichman
     
 Comment la Cour d'appel de Toulouse a supprimé                             la Sécurité sociale !

La Cour d’appel de Toulouse était saisie d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) visant à souligner la contradiction entre l’ordonnance n° 2005-804 du 18 juillet 2005, relative à diverses mesures de simplification en matière de sécurité sociale, qui supprime toute référence au code de la mutualité pour les caisses de sécurité sociale, leur épargnant ainsi la mise en concurrence, et l’ordonnance n° 45-2250 du 4 octobre 1945 qui a fondé la Sécurité sociale et qui dispose que toutes les caisses de sécurité sociale sont des mutuelles.

Débat cornélien pour la Cour d’appel de Toulouse : si elle décide que l’ordonnance de 1945 est toujours en vigueur, l’ordonnance de 2005 ne peut plus s’appliquer, ce qui signifie pour les caisses le retour au statut de mutuelles et donc la mise en concurrence.

Prise à la gorge, et voulant sauver l’URSSAF à tout prix, la Cour de Toulouse finit par décréter, le 24 novembre 2016, que « l’ordonnance du 4 octobre 1945 n’est plus en vigueur ».

Fin du premier acte.

L’acte II commence aussitôt. Il suffit de se reporter au portail du service public de la Sécurité sociale. Il indique que " la Sécurité sociale repose sur deux textes de référence", dont l’ordonnance du 4 octobre 1945 ! D’un coup d’un seul, la Sécu est rayée de la carte, puisque son texte fondateur est abrogé !

Allons plus loin. Un coup d’œil au Journal officiel suffit à constater que les directives européennes de 1992 stipulent que les caisses de sécurité sociale ne peuvent pratiquer les activités d’assurance que si elles sont des mutuelles. Le lecteur avisé s’écriera certainement que la Sécu n’existant plus, ses caisses ne peuvent de toute façon plus assurer. Certes. Mais il y a tout le passé. Avant l’arrêt de Toulouse, ces caisses ont prélevé illégalement des centaines de milliards d’euros par an, qu’elles vont être obligées de rendre et qu’elles n’ont évidemment pas. L’Etat, appelé en responsabilité pour faute lourde, sera assailli de tous côtés par les citoyens en fureur et sa faillite, de virtuelle aujourd’hui, en deviendra bien réelle.

Voilà où l’on en arrive quand on s’acharne dans le refus d’appliquer ses propres lois et dans le mensonge permanent.

Au stade où nous en sommes, aucun contentieux de sécurité sociale ne peut plus être réglé ni même débattu, puisque le code de la sécurité sociale est devenu inapplicable.

Il faudrait que la cour de cassation annule l’arrêt de Toulouse et confirme ainsi que les caisses de sécurité sociale sont des mutuelles, mais elle ne peut pas être saisie puisqu’en matière de QPC elle ne peut l’être qu’après une décision au fond, et que celle-ci ne va pas pouvoir intervenir en raison du fait que le fond ne peut pas être plaidé suite à la disparition du code de la sécurité sociale.

Cet invraisemblable imbroglio n’était que trop prévisible. A trop vouloir violer l’Etat de droit, on ne récolte que le chaos.

Il y a toutefois une solution simple. N’importe quel tribunal français peut poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne. Celle-ci a déjà tranché le débat, notamment par son arrêt du 3 octobre 2013 qui dispose que les caisses de sécurité sociale sont des entreprises en concurrence. Mais elle se fera un plaisir de le confirmer avec une force toute particulière, ne serait-ce que pour châtier justement la République française qui s’est jusqu’à ce jour moquée de ses décisions.

Claude Reichman



Accueil | Articles | Livres | Agenda | Le fait du jour | Programme