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22/5/11 Claude Reichman
La chute de Strauss-Kahn annonce celle du régime !

La chute d’un homme politique peut être un évènement isolé. Elle peut aussi être emblématique. Celle de M. Strauss-Kahn relève du second cas.

Le directeur déchu du FMI est un homme riche grâce à sa femme. Il vivait, jusqu’à son arrestation aux Etats-Unis, dans une opulence connue de tous. Certains se posent avec une désarmante naïveté la question de savoir si un homme politique peut être riche. La réponse est évidemment non, même s’il s’agit d’une fortune ancienne.

Juridiquement, il va de soi que n’importe quel citoyen peut exercer des fonctions politiques. Mais pour représenter un peuple, il faut que chacun puisse se reconnaître en vous. Ce n’est pas une question d’opinion politique, mais d’incarnation. L’apparence physique et le maintien comptent aussi beaucoup. La taille du Général de Gaulle a étayé son prestige. Jacques Chirac a également bénéficié de cet atout, même s’il n’a pas suffi, loin de là, à masquer sa modeste compétence. François Mitterrand était de petite taille, mais il l’assortissait d’un maintien hautain et d’un air hiératique. Giscard était grand, mince et riche, et ridiculement entiché de noblesse, et les Français, un moment séduits, ont fini par le rejeter sans appel. Quant à Nicolas Sarkozy, que complexe sa petite taille et qui aime la compagnie des riches même s’il ne l’est pas lui-même, bien que bénéficiant de la fortune de sa troisième et récente épouse, il est l’objet d’un phénomène de rejet qu’aucun président n’avait connu avant lui.

Petit, gros, affligé d’une démarche sans grâce (un billettiste a pu écrire qu’elle est seule à représenter ce qu’il y a de gauche en lui), jouissant sans retenue des privilèges de l’argent, Dominique Strauss-Kahn n’a rien qui puisse lui permettre d’incarner le peuple, surtout à un moment où celui-ci est plongé dans une crise qui lui fait perdre tout optimisme sur son avenir. Il fallait toute l’inconscience de son épouse, Anne Sinclair, pour le pousser de ses moyens matériels et de son influence vers le sommet sans considération de ses handicaps, auxquels il faut ajouter une addiction sexuelle qui l’entraînait à de folles imprudences que sa femme n’ignorait évidemment pas. Lui-même était assez intelligent pour se demander s’il était l’homme de la situation, et c’est la raison pour laquelle il allait à reculons vers la marche suprême.

Un homme qui tient vraiment à devenir président de la République se porte sur le terrain longtemps avant l’échéance, le parcourt comme on laboure un champ, et ne laisse jamais poindre le moindre doute sur sa détermination. Au contraire, Dominique Strauss-Kahn se maintenait interminablement au FMI, alors que ses deux prédécesseurs, Horst Köhler et Rodrigo de Rato n’avaient pas hésité à démissionner avant le terme de leur mandat pour réaliser d’autres projets.

Le moment de se déclarer approchant, Strauss-Kahn a cédé – si les faits sont avérés – à une pulsion sexuelle qui, si elle était découverte et poursuivie, surtout aux Etats-Unis où la justice est particulièrement sévère dans ce domaine, risquait de lui faire tout perdre. C’est ce qui est arrivé, même si, au moment où nous écrivons, on ne connaît que la thèse de l’accusation et qu’on ne sait rien de sa défense. Le mal est fait, quoi qu’il arrive : Strauss-Kahn ne sera pas président de la République, et ce mal est très probablement le bien qu’il se souhaitait. Mais plutôt que de détruire sa vie, il aurait pu simplement dire non et se retirer de la course à l’Elysée. Cette incapacité prouve à elle seule qu’il n’avait pas les qualités de décision indispensables pour remplir cette fonction.

Emblématique, disions-nous de sa chute. La classe politique n’est évidemment pas faite d’individus présentant tous les caractéristiques de Strauss-Kahn. Mais qu’il en soit arrivé au sommet, promis à la magistrature suprême et quasiment adoubé par ses pairs en dit long sur la perte de repères et l’aveuglement des élus de la nation. La France a la classe politique qu’elle mérite, disent certains. Il est plus vrai de dire qu’une caste a détourné la démocratie à son profit et fait en sorte de se réserver le pouvoir par des moyens qui vont du contrôle des grands médias à l’appropriation exclusive du financement politique, en passant par la mainmise des partis sur tout le processus électoral et par l’impossibilité d’accéder à l’élection présidentielle pour toute personne, si qualifiée soit-elle, qui n’a pas dans sa manche cinq cents élus pour patronner sa candidature.

Quand tout va à peu près bien dans un pays, de tels détournements de légitimité sont sans grande conséquence. Quand tout va mal comme aujourd’hui, ils sont mortels pour un régime. Celui que nous connaissons va périr !

Claude Reichman

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