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Chirac ne représente plus que 7 % des Français 

19/6/04 Claude Reichman
Moins de 7 % des inscrits se sont prononcés pour les listes de l'UMP aux élections européennes du 13 juin dernier. Voilà très précisément chiffré le soutien dont bénéficie le président de la République dans l'opinion. Et il prétend gouverner ainsi pendant encore trois ans ! Au terme des deux premières années de son second mandat, Jacques Chirac a perdu la quasi-totalité des 82 % de suffrages qui s'étaient portés sur lui au deuxième tour de l'élection présidentielle. Certes bon nombre de ces voix émanaient d'adversaires politiques désireux d'écarter Jean-Marie Le Pen, mais la chute n'en est pas moins vertigineuse. On songe à l'histoire du type qui tombe du haut d'un gratte-ciel et qu'on entend s'écrier à chaque étage : " Jusqu'ici, ça va. " C'est très exactement le propos de Chirac quand il déclare ne pas vouloir tirer la moindre conséquence du désaveu électoral subi par la seule formation politique se réclamant de lui.

Bien entendu, entre ce que veut Chirac et la réalité telle qu'elle va inévitablement s'imposer, il y a plus qu'un fossé : un gouffre béant. Ce que les Français n'ont pu obtenir par les urnes, ils vont l'exiger dans la rue. On ne rencontre personne dans la classe politique ni parmi les observateurs pour dire le contraire. Mais cet Etat dans l'Etat que représentent ensemble la classe gouvernante et la classe parlante n'entend pas renoncer à la moindre de ses habitudes. Il persiste à affirmer, comme le faisait Pierre Dac dans " Le petit baigneur ", " sa pleine et entière territorialité ". Mais ce qui faisait hurler de rire le spectateur de cinéma n'amuse pas du tout le citoyen. Les numéros de clown ne sont drôles qu'au cirque !

Les écrans de télévision nous ont montré un Chirac raide dans son costume sombre devant l'entrée du Mont Valérien, lors de la commémoration de l'appel du 18 juin. Du général de Gaulle, dont il se prétend héritier, il n'a même pas retenu le respect du suffrage populaire. Ce n'est d'ailleurs pas d'aujourd'hui. Quand, sur les instances d'Edouard Balladur, il acceptait la cohabitation, il rompait non seulement avec l'esprit du gaullisme mais aussi avec le principe le plus élémentaire de la démocratie : quand on est battu, on s'en va. Refusant d'en exiger le respect par Mitterrand, il se vouait à le violer lui-même. On y est.

Le panache blanc d'Henri IV

Il n'est pas surprenant que ce mépris de l'expression populaire soit essentiellement le fait de fonctionnaires passés en politique. Le premier, Giscard d'Estaing, alors président de la République, avait dit qu'en cas d'échec aux élections législatives de 1978 il ne démissionnerait pas mais se retirerait au château de Rambouillet et laisserait gouverner la gauche. La victoire de son camp ne lui en donna pas l'occasion. Mitterrand n'était pas fonctionnaire, mais celui qui lui permit de s'accrocher au pouvoir l'était. Et aujourd'hui ce dernier entend bien profiter à son tour de l'inamovibilité dans sa fonction, comme si celle-ci n'était après tout qu'une excroissance de la condition administrative. On est à mille lieues de la démocratie telle qu'elle est comprise dans tous les pays du monde où ce système politique est en vigueur. Là aussi, il y a une exception française.

Quand on considère la situation avec un peu de distance, on ne peut qu'être frappé par l'accumulation des signaux de catastrophe. La France est le pays du monde qui travaille le moins et qui distribue le plus. Elle est aussi celui qui accueille le plus d'immigrés et qui leur concède le plus d'avantages, ceci expliquant d'ailleurs en grande partie cela. Elle est affligée du moins efficace des systèmes éducatifs et de la plus pléthorique et nuisible administration, ce qui garantit à notre pays le déclin le mieux assuré. La France souffre également de la plus grande coupure qui soit possible d'une part entre ses fonctionnaires et ses travailleurs privés, et d'autre part entre sa classe politique et l'ensemble de sa population. Elle subit aussi le plus grand lavage de cerveau du monde occidental du fait d'une presse écrite et audiovisuelle aux ordres de l'Etat et de ses commandes publiques et qui ne mord jamais la main qui la nourrit, fût-ce au détriment de la plus élémentaire honnêteté de l'information. Et l'on voudrait qu'au vu de cette situation on manifestât de l'optimisme ?

La guerre civile française n'est pas à venir : elle est déjà en cours. Il ne lui manque plus, pour mériter sa " pleine et entière territorialité ", que des affrontements non plus entre manifestants et forces de l'ordre mais entre protestataires de bords différents, tandis que gendarmes mobiles et CRS se contenteront de protéger les ministères et les membres du gouvernement.
Comme dans toute crise nationale, la solution ne peut être que politique. Le seul problème est de savoir si celle-ci peut intervenir sans que le pays ne vive un effondrement au terme duquel la population sera enfin prête et surtout déterminée à faire les grands changements qui sont indispensables pour affronter avec succès le monde moderne et sa compétition permanente, ou si la raison peut encore l'emporter avant que le vertige du néant ne nous précipite dans l'abîme. Il dépend de chacun de nous que le pire ne s'impose pas. Cela signifie que l'on se conduise en personne consciente et organisée et qu'on n'attende pas, pour bouger, que son voisin le fasse. Chacun se doit donc d'arborer le panache blanc d'Henri IV. Dont le règne mit fin précisément à une terrible guerre civile.

Claude Reichman

 

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