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Chirac fossoyeur de l'Europe

19/12/03 Claude Reichman
Il va enfin falloir se décider à faire le bilan de la construction européenne. Et à en tirer toutes les conséquences. L'Europe ne peut plus se permettre d'aller d'échec en échec en misant sur le temps pour améliorer la situation.
Pourquoi l'Europe a-t-elle dérapé ? La réponse est simple. C'est la chute du mur de Berlin et l'effondrement de l'empire soviétique qui a bouleversé la donne. Jusque là, l'ouest du Vieux Continent a vécu à la fois sous la menace des armées du pacte de Varsovie et sous la protection du parapluie militaire américain. Cela lui a permis d'éluder bien des questions qui se posent aujourd'hui avec acuité. La première d'entre elles était celle de ses relations avec les Etats-Unis. Même le général de Gaulle, qui tenait plus que tout à l'indépendance nationale, n'avait jamais envisagé, en cas de difficultés graves, de se ranger dans un autre camp que celui de l'Amérique. Il l'a montré notamment au moment de la crise des fusées à Cuba. Et aucun des autres Etats européens n'a jamais eu non plus la moindre hésitation à cet égard. Cela a d'ailleurs permis à l'Europe de ne pas faire l'effort militaire qui eût été nécessaire si elle avait voulu assurer son indépendance stratégique. Et de se consacrer à l'accroissement de sa prospérité matérielle, oubliant que celle-ci ne peut jamais être, pour une nation ou une confédération de nations, une fin en soi, comme tous les exemples historiques le démontrent.

La fin de la menace soviétique a fait croire à certains, en Europe, qu'on pouvait désormais s'émanciper du grand frère américain, voire s'opposer stratégiquement à lui, tout en continuant à se complaire dans les délices de l'Etat providence et à penser que le monde était entré dans l'ère de la paix éternelle. Tragique erreur. Tandis que la prospérité et la société d'assistance européennes attiraient un nombre sans cesse croissant d'immigrants venus du Sud pour la plupart, dont l'afflux bouleversait la situation démographique de l'Ancien Continent, et que la population de celui-ci entrait par ailleurs dans une phase très inquiétante de vieillissement, l'incapacité du monde musulman à se réformer afin d'entrer dans le monde moderne faisait naître en son sein des tensions telles qu'un islamisme extrémiste et radical, sans cesse attisé par le conflit israélo-arabe, conquerrait les couches les plus jeunes de ces populations et leur offrait, à défaut d'un avenir, une raison de se battre et de mourir.

Dernier pays communiste d'Occident, la France pollue son environnement

Et c'est ainsi qu'on en est arrivé aux attentats du 11 septembre 2001, qui marquent bien en effet le début d'une nouvelle ère, qu'on peut à juste titre appeler le choc des civilisations, car c'est bien de cela qu'il s'agit entre un Occident épris de valeurs individuelles et un monde musulman où seule compte la collectivité des croyants. On a voulu se rassurer - et les dirigeants américains l'ont fait eux-mêmes dans leurs déclarations officielles - en indiquant que l'adversaire était l'islamisme et non l'islam, mais en réalité il est impossible de dissocier ces derniers dans la mesure où l'islam est incapable de s'opposer efficacement à ses extrémistes, tant il existe entre eux une authentique solidarité religieuse et tant les Etats musulmans un peu plus modernes que les autres sont corrompus et leurs dirigeants méprisés du peuple.

Quand les Etats-Unis, agressés sur leur sol pour la première fois depuis Pearl Harbor, décidèrent de réagir de la façon que l'on sait, les deux principaux Etats de l'Union européenne, l'Allemagne et surtout la France s'opposèrent frontalement à eux, faisant exploser le camp des vingt-cinq pays qui se préparaient à s'unir le 1er mai 2004 sous la bannière communautaire. Mises en minorité au plan stratégique, la France et l'Allemagne allaient bientôt être montrées du doigt au plan économique en ne respectant pas le pacte de stabilité et de croissance dont elles avaient été les principales promotrices. On voyait mal dans ces conditions comment le projet de Constitution européenne, laborieusement mis au point par la Convention présidée par M. Giscard d'Estaing, avait la moindre chance d'être ratifié par le sommet de Bruxelles du 13 décembre dernier. Si l'on ajoute à ces graves dissensions l'inquiétante évolution de l'euro, dont la hausse, qui doit presque tout à des taux d'intérêt deux fois plus élevés en Europe qu'aux Etats-Unis, compromet les fragiles espoirs de reprise de la croissance notamment en France et en Allemagne, on voit que sont réunis tous les éléments d'une crise qui peut se révéler fatale pour la construction européenne.

L'Europe a été une grande réussite économique. Elle est en passe de devenir une catastrophe générale. La France porte une responsabilité majeure dans cette situation. Elle est le dernier pays communiste d'Occident et pollue tout son environnement. Si la France s'était réformée comme la plupart de se voisins, elle aurait pu continuer d'être le moteur de l'Europe et parler sans ridicule d'une voix haute, ferme et amicale à nos alliés d'Outre-Atlantique, pour leur plus grand bien et pour le nôtre. Au lieu de cela, nous voyons un président irresponsable, Jacques Chirac, marginaliser notre pays et jouer contre son camp.

Tout cela va se payer très cher. A commencer par la remise en cause de près d'un demi-siècle de construction européenne. Celle-ci avait commencé de déraper à Maastricht, elle vient de rouler au fossé. A certains égards, on peut s'en réjouir tant il était nécessaire d'arrêter ce train fou. Mais il aurait été infiniment plus profitable à tous de le remettre sur de bons rails et de redonner aux nations la place qu'elles n'auraient jamais dû perdre. Le temps ne respecte que ce qu'il a contribué à bâtir. En voulant forcer artificiellement le rythme de sa construction, et en ayant l'insigne malchance de voir porté à la tête d'un de ses principaux Etats un des pires gouvernants que celui-ci se fût jamais donné, l'Europe a fini par capoter. Préparons-nous à faire le compte des victimes.

Claude Reichman

 

 

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