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28/3/09 Jean Bonsujet

Chronique du Grand Merdier

Le peuple fait son deuil d’Inapte 1er

Un bruit affreux parcourt les champs, les bois et les villages du Grand Merdier : notre souverain Inapte 1er ne s’en sortira pas ! Qu’on se rassure : il ne s’agit pas du couple radieux qu’il forme avec la poupée Carlita. De ce côté-là, tout va bien. Encore que …

Bien qu’il nous soit pénible d’évoquer ne fût-ce qu’un nuage dans le bonheur de notre souverain, force est de noter que Sa Sautillante Majesté, tout à son désir de satisfaire sa sémillante moitié, en vient à commettre de redoutables impairs. Devant faire visite officielle à son cousin du Mexique, Inapte imagina d’agrémenter le voyage d’un séjour au bord de la mer Pacifique, dans un de ces luxueux palais où ne fréquentent que les élus de la providence. Inquiet toutefois à l’idée d’alimenter la chronique des bruits de bijoux et de chaînettes dont la musique accompagne chacun de ses faits et gestes, notre souverain voulut cacher aux gazettes et donc au peuple son excitante escapade.

Il fit donc courir le bruit d’un séjour privé dans le particulier du roi de ce pays, puis, la menterie ne prenant pas corps, celui d’une halte à ce fameux palais du bord de mer offerte en gage d’amitié par la cassette de l’Etat de Mexique, avant d’en imputer la générosité au propriétaire de ce lieu de rêve, un richissime homme d’affaires et d’entregent de cette exotique contrée. Le malheur voulut que ce dernier aveu, qui ne doit pas se tenir loin de la vérité, provoqua plus de mal que la menterie qui eût prétendu faire supporter au trésor particulier de notre Prince les dépens de son séjour. Car le maître de ce paradisiaque caravansérail passe pour avoir fait fortune dans le trafic de l’herbe hallucinatoire et rien ne marque tant et si mal un monarque que de se commettre avec de sulfureux personnages. Le mal dès lors était accompli, et rien n’y fit : Sa Sautillante Majesté, malgré tous ses efforts pour charger d’oubli ses frasques bimbelotières, n’avait décidément pas varié et resterait toujours le même.

Et c’est là que se rejoint la mauvaise rumeur qui court le pays sur ses capacités. On dirait que son innocente manie d’arborer au poignet de rutilants chronographes en est venue à signifier aux yeux du peuple que tel est son seul souci, ce qui est cause de son peu de succès dans la conduite des affaires publiques, auxquelles, distrait des grandes choses par de trop petites, il n’apporterait pas tout le soin et l’application requis.

Le plus grave est que la rumeur ne fume pas au dessus d’un nid de farouches ennemis mais monte en volutes d’un terreau autrement plus bienveillant, celui que constitue le plus fort bastion du règne, le Grand Mouvement de la Léchouille, où se groupent celles et ceux qui ont hissé d’enthousiasme Inapte sur le pavois et attendent monts et merveilles de notre Souverain. Disons-le comme nous le voyons et le pensons, avec tristesse mais lucide et amer sens du réel, pour Inapte 1er, les carottes, comme le dit l’expression populaire, sont bouillies. Quoi qu’il proclame, quoi qu’il entreprenne, qu’il s’aventure même à une promenade dans les allées de la ville capitale le corps enduit de plumes, nul ne lui en accordera crédit, nul ne lui fera compliment de sa parole ou de son geste, nul n’aura d’autre souci que de s’enfouir dans le giron de son voisin pour y faire couler ses larmes ou ses cascades de rire.

Et dire qu’il n’y a pas deux années qu’Inapte a accédé au trône ! D’aucuns – les derniers fidèles – s’en vont gémissant que Sa Sautillante Majesté n’est pour rien dans les malheurs du temps et que tout nous vient de l’étranger, où la finance, trop longtemps prise de folie, n’en finit pas de semer la ruine sous les pas de son interminable écroulement. Certes, opinent les gens de sérieux, mais rien n’empêchait notre ineffable souverain d’établir dès les premières décades de son règne l’ordre annoncé et promis dans les affaires du Grand Merdier, ce qui nous eût mis en position propice pour affronter les rigueurs de la folle tempête qui s’abat sur l’univers.

Notre malheureux pays n’en est plus aux regrets ni aux reproches, mais à l’angoisse du lendemain. Qui, après Inapte 1er, dont chacun a déjà fait son deuil, saura prendre les rênes de l’Empire ? Quelques noms circulent déjà sous le manteau, mais j’attendrai, pour en alimenter cette chronique, qu’ils se gonflent d’un peu plus de consistance, surtout qu’en vertu de notre dicton populaire, « chat brûlé craint la glace » et que toute suggestion sur ce thème risquerait aujourd’hui de ne provoquer que haussement d’épaules, tant le peuple est malheureux de s’être à ce point trompé !

Jean Bonsujet

 

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