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22/12/08 Bernard Martoïa

D'une bulle à l'autre

Une bulle éclate après une autre depuis la chute, le 15 septembre dernier, de Lehman Brothers. L'affaire Madoff, du nom de l'ancien président du Nasdaq, s'inscrit dans cette logique implacable. L'intéressé aurait pu mourir tranquillement dans son lit si le marché ne s'était pas retourné contre lui. On aurait lu dans les journaux, après son décès, quel grand philanthrope il était de son vivant. (En avril 2006, Madoff a donné six millions de dollars pour la recherche sur le cancer après qu'on en eut diagnostiqué un chez l’un de ses fils.) La vérité n'aurait éclaté que bien plus tard. La société de Madoff est un clan familial qui comprend ses fils Mark et Andrew, son frère Peter, son neveu Charles et sa nièce Shana.

Quand les bulles explosent, elles font inévitablement des victimes. Les politiciens et les journalistes s'empressent de désigner un coupable pour calmer la douleur des victimes. Toute société fonctionne selon ce principe ; la nôtre n'y fait pas exception. Les Mayas avaient aussi leurs pyramides. Mais contrairement à celles de Ponzi et consorts, elles avaient des fondations solides. On peut toujours venir les admirer trois millénaires après leur construction. Les Mayas sacrifiaient un enfant. Le grand prêtre arrachait son cœur au cours d'une cérémonie religieuse. Ces "cérémonies" se pratiquaient lors de l'ascension au trône du nouveau souverain ou à l'occasion du début du calendrier maya.

Dans le grand déballage de linge sale qui a lieu en ce moment, on découvre avec stupeur que la S.E.C (Security Exchange Commission) avait des doutes depuis très longtemps sur les affaires de Madoff. Christopher Cox, le président de la S.E.C, a déclaré, le 17 décembre 2008 : "Je suis gravement préoccupé par les multiples manquements depuis au moins une décennie pour mener une investigation." Il a été remercié pour sa franchise. Le lendemain, Obama annonçait son remplacement par Mary Shapiro. Certes, il faut nettoyer les écuries d'Augias car la corruption semble généralisée à Wall Street. Mais le problème n'est-il pas en amont ?

Les politiciens ont fermé les yeux tant que la Bourse leur rapportait beaucoup d'argent. Le gouverneur de l'État de New York, David Paterson, s'est lamenté, dans son intervention télévisée du 20 décembre 2008, que la suppression des seuls bonus accordés en fin d'année aux courtiers de la firme Goldman Sachs va se traduire par une perte sèche de 178 millions de dollars pour les caisses de son État. 30 % des recettes fiscales de l'État de New York proviennent en effet de Wall Street.

Trouver les coupables est assez facile. La deuxième étape est de les sanctionner pour réparer les torts qu'ils ont causés à autrui. La sanction a également pour but de prévenir d'autres crimes si elle s'avère exemplaire. Ira-t-on jusqu'à saisir les biens des banquiers indélicats ? N'y comptez pas trop car le "système" se défendra. Le "système" fonctionne comme une vaste organisation criminelle. Les loups ne se mangent pas entre eux. Il y aura quelques sanctions sévères en Amérique. Certains finiront leurs jours en prison pour donner l'exemple. Mais cela n'arrivera pas en France. Un inspecteur des finances ne finira jamais ses jours en prison.

L'Amérique est une nation qui est affligée depuis sa naissance d'une cupidité sans borne. Greed, l'un des plus grands films du cinéma muet, fut tourné en 1924 par l'Allemand Erich von Stroheim. Mais l'Amérique possède une grande vertu qui n'existe pas chez nous : "Nul n'est au-dessus des lois !" Bill Clinton en fit l'amère expérience lorsque son procès concernant sa liaison avec une jeune stagiaire de la Maison Blanche (Monica Lewinski) fut instruit à la Chambre des Représentants. Il avait été pourtant prévenu, dans une affaire similaire, d'atteinte aux bonnes mœurs avec Paula Jones, une militante démocrate plantureuse

La troisième étape sera de restaurer la confiance du marché pour faire repartir l'économie. Celle-ci ne se décrète pas. L'administration Obama va sans doute reréguler et bricoler d'autres mesures pour s'assurer de la qualité des contrôles au sein de la nouvelle usine à gaz. A lui seul, cet assainissement remplirait l'emploi du temps de son premier mandat. Sauf accident de parcours, une reconduction de son bail à la Maison Blanche semble inévitable. L'excès des néo-conservateurs va engendrer l'excès des néo-libéraux. C'est la loi d'airain du balancier que l'on retrouve à Wall Street. L'excès d'euphorie à la Bourse provoque en retour un excès de crainte.

Mais peut-on faire davantage confiance aux démocrates qu'aux républicains ? Certainement pas. La dérégulation des marchés financiers s'est effectuée à la fin de la décennie des années quatre-vingt-dix lorsque Bill Clinton était président. Le fusible du Glass Steagall Act fut enlevé le 12 novembre 1999. Ce texte fut approuvé au Sénat par 90 voix pour, 8 non et une abstention, à la Chambre des Représentants par 362 voix pour, 57 non et 12 abstentions.

La quatrième étape, qui nous intéresse davantage, serait de prévenir la formation de nouvelles bulles. Est-ce possible ? Certaines sont intrinsèques à l'air du temps (l'euphorie du marché après une guerre gagnée) ou à une technologie qualifiée à tort de révolutionnaire. Mais la première cause d'une bulle reste le bricolage incessant de la Banque Centrale pour maintenir une croissance artificielle.

C'est le nouveau drame qui se prépare avec le vaste plan de relance des Keynésiens. A vouloir tout contrôler, on ne contrôle plus rien du tout dans une usine à gaz. William Blake disait : "Vous ne saurez jamais ce qui est assez, tant que vous ne découvrirez trop tard ce qui est plus qu'assez."

Bernard Martoïa

 

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