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8/4//10  

L’abrogation du bouclier fiscal se heurte à la Constitution !

En rappelant que le bouclier fiscal a été jugé conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel, Le Canard enchaîné du 7 avril 2010 n’a pas rendu service à ceux qui, à droite comme à gauche, veulent à toute force l’abroger.

Qui plus est, c’est par deux fois que le Conseil, saisi par les députés socialistes, a ainsi jugé, puisque les deux versions du bouclier lui ont été soumises : celle de 2005, décidée par le gouvernement Villepin et limitant à 60 % des revenus le montant total des impôts à payer par un contribuable, et celle de 2007, figurant dans la loi Tepa (travail, emploi, pouvoir d’achat) votée au début du mandat présidentiel de Nicolas Sarkozy, portant le plafond d’imposition à 50 % et y incorporant la CSG et la CRDS.

L’attendu principal de ces deux décisions du Conseil constitutionnel consiste à juger que l’impôt ne doit ni « revêtir un caractère confiscatoire », ni « faire peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives ». Des formules sur lesquelles tout gouvernement de la République devrait prêter serment !

Nous publions ci-après les deux décisions du Conseil constitutionnel.

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Décision n° 2005-530 DC du 29 décembre 2005

Loi de finances pour 2006

- SUR LE PLAFONNEMENT DES IMPÔTS DIRECTS :

61. Considérant que l'article 74 de la loi déférée tend à plafonner la part des revenus d'un foyer fiscal affectée au paiement d'impôts directs ; que son II insère dans le code général des impôts un nouvel article 1er aux termes duquel : " Les impôts directs payés par un contribuable ne peuvent être supérieurs à 60 % de ses revenus " ; que son III crée dans le même code un nouvel article 1649-0 A qui précise les modalités d'application de ce plafonnement ;

62. Considérant que ce nouvel article 1649-0 A institue un droit à restitution de la fraction des impositions excédant le seuil de 60 % mentionné à l'article 1er ; que, selon son 2, sous réserve qu'elles ne soient pas déductibles d'un revenu catégoriel de l'impôt sur le revenu et qu'elles aient été payées en France, les impositions prises en compte sont les impositions directes suivantes : - l'impôt sur le revenu ; - l'impôt de solidarité sur la fortune ; - la taxe foncière sur les propriétés bâties, la taxe foncière sur les propriétés non bâties afférentes à l'habitation principale du contribuable, ainsi que certaines taxes additionnelles à ces taxes ; - la taxe d'habitation afférente à l'habitation principale du contribuable, ainsi que certaines taxes additionnelles à cette taxe ;

63. Considérant que les 4 à 7 du nouvel article 1649-0 A définissent les catégories de revenus qui entrent dans le calcul du droit à restitution ; qu'il s'agit du revenu réalisé par le contribuable au titre de l'année qui précède celle du paiement des impositions et comprenant, sous réserve de certains aménagements et exceptions, les revenus soumis à l'impôt sur le revenu nets de frais professionnels, les produits soumis à un prélèvement libératoire et les revenus exonérés d'impôt sur le revenu réalisés au cours de la même année en France ou hors de France ;

64. Considérant que les requérants soutiennent que ces dispositions, en limitant la participation de certains contribuables et en définissant les capacités contributives par rapport aux seuls revenus, méconnaissent le principe d'égalité devant les charges publiques ;

65. Considérant que l'article 13 de la Déclaration de 1789 dispose : " Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés " ; que cette exigence ne serait pas respectée si l'impôt revêtait un caractère confiscatoire ou faisait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives ;

66. Considérant, dès lors, que, dans son principe, l'article contesté, loin de méconnaître l'égalité devant l'impôt, tend à éviter une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;

67. Considérant, s'agissant des modalités adoptées pour la mise en oeuvre de ce principe, que ni la fixation de la part des revenus au-delà de laquelle le paiement d'impôts directs ouvre droit à restitution, ni la définition des revenus entrant dans le calcul, ni la détermination des impôts directs pris en compte, ni les mesures retenues pour opérer la restitution ne sont inappropriées à la réalisation de l'objectif que s'est fixé le législateur ; que la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ; qu'il ne lui revient donc pas de rechercher si l'objectif que s'est assigné le législateur aurait pu être atteint par d'autres voies ;

68. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'article 74 n'est pas contraire à la Constitution.
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Décision n° 2007-555 DC du 16 août 2007

Loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat

- SUR L'ARTICLE 11 :

22. Considérant que l'article 11 de la loi déférée modifie les articles 1er et 1649-0 A du code général des impôts relatifs au plafonnement des impôts directs ; qu'il abaisse de 60 % à 50 % la part maximale de ses revenus qu'un foyer fiscal peut être tenu de verser au titre des impôts directs ; qu'il intègre désormais des contributions sociales dans le montant de ces derniers ;

23. Considérant que les députés requérants estiment que ces dispositions conduiraient à une exonération presque systématique de l'impôt de solidarité sur la fortune ainsi que des impositions locales au bénéfice des seuls contribuables au taux marginal de l'impôt sur le revenu ; qu'en particulier, elles créeraient une inégalité, au regard des facultés contributives, entre les contribuables selon qu'ils disposent ou non d'un patrimoine important ;

24. Considérant que l'exigence résultant de l'article 13 de la Déclaration de 1789 ne serait pas respectée si l'impôt revêtait un caractère confiscatoire ou faisait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives ; que dès lors, dans son principe, le plafonnement de la part des revenus d'un foyer fiscal affectée au paiement d'impôts directs, loin de méconnaître l'égalité devant l'impôt, tend à éviter une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;

25. Considérant, en premier lieu, que relèvent de la catégorie des impositions de toutes natures au sens de l'article 34 de la Constitution la contribution sociale généralisée, la contribution pour le remboursement de la dette sociale, le prélèvement social sur les revenus du patrimoine et les produits de placement ainsi que la contribution additionnelle affectée à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie ; qu'il s'ensuit que l'inclusion de ces impositions dans le montant des impôts directs pris en compte n'est pas inappropriée à la réalisation de l'objet que s'est fixé le législateur ;

26. Considérant, en deuxième lieu, que la fixation à 50 % de la part des revenus au-delà de laquelle le paiement d'impôts directs ouvre droit à restitution n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;

27. Considérant, enfin, que le dispositif de plafonnement consistant à restituer à un contribuable les sommes qu'il a versées au titre des impôts directs au-delà du plafond fixé par la loi ne peut procéder que d'un calcul global et non impôt par impôt ; qu'il s'ensuit que le grief tiré de ce que ce dispositif favoriserait les redevables de certains impôts doit être écarté ;

28. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'article 11 de la loi déférée n'est pas contraire à l'article 13 de la Déclaration de 1789.

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