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26/4/09 Claude Reichman

François Bayrou a enfin un programme

François Bayrou a enfin trouvé ce après quoi il courait depuis des années : un programme. Car enfin répéter sans cesse « le changement, le changement », cela finit par être lassant pour l’électeur. Le changement d’accord, mais lequel ? Eh bien la nouvelle recrue du Béarnais va enfin donner un contenu à ce qui n’était jusqu’alors qu’un slogan.

De qui s’agit-il ? De Jean-François Kahn. Connu comme un journaliste en état d’excitation permanente et à la voix de putois, ce personnage nous a caché pendant des décennies son véritable état : celui de grand penseur capable des plus vertigineuses audaces conceptuelles et des plans les plus audacieux. Désigné par Bayrou comme tête de liste du Modem aux élections européennes dans la circonscription du Grand Est, Jean-François Kahn publie chez Fayard un livre au titre modeste, « L’alternative », mais dans lequel il se prononce pour « un centrisme révolutionnaire », formule qui ressortit au genre de l’oxymore et que Shakespeare a poétiquement illustrée par l’expression « rugir comme un rossignol ».

Dans cet ouvrage, le nouvel inspirateur de François Bayrou lance une proposition à laquelle personne n’avait pensé jusqu’à présent mais qui est promise, par les développements qu’elle porte en germe, à un avenir mirobolant. Devinant votre impatience et la comprenant, je vous livre sans plus attendre ce morceau de bravoure qui figure à la page 123 du livre, au rang des propositions de l’auteur :

« Permettre à des assurances privées de se substituer, en faveur des Français qui le souhaitent, totalement à la Sécurité sociale en matière de couverture santé, à condition que les assurés qui s’y affilient continuent de payer, au nom de la solidarité, leurs cotisations à l’institution publique collective. »

On comprend mieux, à la lecture de ce qui précède, le sous-titre de l’ouvrage : « Oui, c’est possible ». Car non seulement chacun peut mesurer la formidable avancée que représente cette libération de la protection sociale, mais aussi celles qui, dans d’autres domaines, vont pouvoir bénéficier de la même logique. Commençons par les impôts, dont l’excès rend impossible le redémarrage économique de notre pays. Eh bien, d’un coup d’un seul, MM Kahn et Bayrou vont les supprimer, à la seule condition que les bénéficiaires de cette mesure continuent de s’acquitter des sommes en question auprès de leur percepteur. Et les innombrables lois et règlements contenus dans les milliers de pages des divers codes qui sont la gloire de notre littérature ? Supprimés ! Rayés de la carte ! Chacun va pouvoir s’en affranchir ! A condition de les respecter scrupuleusement. N’en jetons plus, la cour est pleine.

Au-delà du rire salutaire que de telles absurdités suscitent, on peut s’interroger sur l’état de notre système politique et de notre démocratie. Qu’on puisse publier d’aussi monumentales âneries quand on conduit une liste à des élections nationales au nom d’un parti politique dont le président – qui vous a investi - a réuni plus de 18 % des suffrages à la dernière élection présidentielle et à qui les sondages accordent des chances sérieuses d’être élu à la prochaine, est le signe d’un incroyable déclin du débat public et de l’irresponsabilité croissante des élites politiques. En France, aujourd’hui, la vie publique ressemble à s’y méprendre à la vie de bistrot telle que la décrit la chanson « A Paris » de Francis Lemarque :

« Au café, on voit n’importe qui,
Qui fait n’importe quoi,
Qui parle avec ses mains,
Qui est là depuis le matin. »

Croire que le peuple est indifférent à cette dérive serait se tromper lourdement. Chacun des innombrables écarts des personnages qui encombrent l’espace public est soigneusement enregistré par l’opinion et vient alourdir le bilan du règne. Au point que parler de crise politique est désormais dépassé. C’est le régime lui-même qui est en cause. Et chacun sait – ou devrait savoir – qu’un régime qui s’effondre produit plus de troubles dans un pays que n’en eussent fait mille réformes difficiles. Mais voilà : ce qui manque à nos politiciens actuels, c’est le plus élémentaire courage. Alors apprêtons-nous tous ensemble à payer le prix de leur lâcheté.

Claude Reichman
Porte-parole de la Révolution bleue.

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