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11/5/09 Jean-Michel Aphatie
    On nous a caché le président de la République !

Samedi soir, Stade de France, finale de la coupe de France, Rennes-Guigamp. Figurez-vous que j’y étais. Pas par passion du football. Plutôt les hasards de la vie. Une belle soirée. La Bretagne à l’honneur, les Bretons chaleureux et sympathiques, la victoire de Guingamp, une belle soirée, une belle fête.

Dans le stade, pourtant, quelque chose d’étrange. Après avoir excipé d’un agenda surchargé pour justifier son absence, Nicolas Sarkozy s’est ravisé. Vers 17 h 30 samedi, le service de presse de l’Elysée annonçait la nouvelle : le président de la République serait bien, ce samedi soir, au Stade de France. Mais qui, exactement, a été informé de sa présence ?

Les téléspectateurs de France 2, qui retransmettait le match, ont été effectivement informés de la présence du président de la République dans la tribune d’honneur. Avant le match, un journaliste de la chaîne a interviewé le président. Après le match, on l’a vu serrant la main des joueurs, celles des Rennais, dépités, qui défilaient la tête basse devant les officiels, celles des Guingampais, heureux, on les comprend, de recueillir ainsi les félicitations présidentielles.

Les spectateurs qui se trouvaient, eux, dans l’enceinte du Stade de France, n’ont pas bénéficié d’une information identique. Avant le match, le speaker, voix de bronze et verbe abondant, ne mentionne à aucun moment la présence présidentielle. Aucune importance, vu que tout le monde a la tête ailleurs. Un indice tout de même. Juste avant la rencontre, les joueurs des deux équipes forment un rang d’oignon. Ils attendent les salutations des autorités présentes. Et on apprend là, par la voix de bronze, que c’est Jean-Pierre Escalettes, président certes, mais de la seule Fédération française de football, qui va descendre leur serrer la main. Autrement dit, le président de la République ne se montre pas. Contrairement à l’usage, il demeure dans sa tribune alors que ses prédécesseurs avaient à coeur de se faire présenter les joueurs avant le match. A dire vrai, dans le stade, à ce moment-là, tout le monde se moque de la subtilité. Il n’empêche qu’elle peut à bon droit étonner.

Ce qui va se passer après le match est plus fort encore, et plus surprenant. La victoire de Guingamp déchaîne l’enthousiasme du speaker. Il fait remarquer à la foule que cette victoire d’une équipe de Ligue 2 en Coupe de France est un événement, soit, un événement, ajoute-t-il, qui s’est produit en présence, je le cite, « des plus hautes autorités de la République ». A ces mots, évidemment, l’oreille se dresse. Pourquoi donc le speaker utilise-t-il une formule à la mords-moi-le-nœud ? Il serait évidement plus simple et plus juste de dire que le match Rennes-Guingamp s’est déroulé devant le président de la République, et non pas devant les « plus hautes autorités de la République », ce qui ne veut rien dire. Pourquoi donc use-t-il de cette formule ? Est-ce de sa propre initiative ? Peu probable. Est-ce à la demande des organisateurs ? A la demande de l’entourage présidentiel ? Mystère. Et pour quelle raison emploie-t-il cette formule ampoulée ? Peur des sifflets ? Des manifestations hostiles? Re-mystère.

En tout cas, il y tient. Un peu plus tard, dans son speech débridé, il cite à nouveau les « plus hautes autorités de la République », et pour finir, ceci : « Les joueurs de Guingamp recevront leur trophée des mains des plus hautes autorités de la République. » Ridicule, évidemment. Mais puisque l’on nous informe aimablement que le trophée sera remis aux footballeurs guingampais par les mains que vous savez, on guette les images. En effet, le Stade de France, à l’instar de toutes les enceintes sportives modernes, est doté de deux écrans géants, situés dans chacun de ses virages. On imagine donc assez naturellement que les spectateurs présents, et qui sont encore nombreux dans les tribunes, verront la remise de la coupe par le président de la République. Eh bien non. Le réalisateur qui officie dans le stade s’ingénie à manquer ce moment. Etourderie ? On a du mal à le croire. Consignes ? De qui ? Pourquoi ?

Si on résume la situation vue du Stade de France, on peut écrire ceci. Ni le nom de Nicolas Sarkozy, ni celui de sa fonction, président de la République, n’ont été prononcés dans l’enceinte sportive samedi soir. Son visage n’est pas apparu sur les écrans, notamment au moment où il aurait été légitime qu’il soit montré. Résultat, pour ceux qui étaient présents au Stade, le président était là incognito, présent, oui, mais invisible, oublié ou bien protégé, en tout cas sujet d’une mise en scène bizarre. A l’inverse, les téléspectateurs de France 2 ont vu et entendu le président de la République. Pourquoi cette différence de traitement ? Si quelqu’un connaît la réponse, il sera le bienvenu.

Jean-Michel Aphatie
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