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9/12/08 Jean-Michel Aphatie
        Le parti socialiste court à la catastrophe

Ségolène Royal était l’invitée de RTL, ce matin, à 7h 50.

Son message était simple, ce matin. Elle souhaitait que Martine Aubry remonte le temps de l’histoire socialiste, qu’elle en revienne à ce point manqué de leur congrès de Reims où l’alliance entre elles et leurs blocs respectifs n’avait pu se faire et que la toute nouvelle direction du PS, à peine constituée, soit à nouveau remise en chantier pour intégrer ses partisans.

Voeu pieux, bien sûr. Ségolène Royal ne se berce d’aucune illusion. Les ressentiments personnels entre elle et Martine Aubry sont trop forts pour imaginer un travail commun. Par ailleurs, la nouvelle première secrétaire du PS est redevable à trop de personnes, de courants, de sensibilités, pour détricoter aussitôt la direction qu’elle a composée et qui n’est que l’expression de l’attelage baroque qui la soutient.

Un exemple ? Dès dimanche, le nouveau porte-parole du parti socialiste, Benoît Hamon, a déclaré ceci: « Il faut rétablir une forme d’autorisation administrative de licenciement pour les licenciements boursiers afin d’empêcher cette casse de l’emploi telle qu’elle s’opère aujourd’hui. »

En parlant ainsi, le porte-parole du PS exprime-t-il vraiment les projets de la majorité qui dirige aujourd’hui ce parti ? Les amis de Dominique Strauss-Kahn, Laurent Fabius, Bertrand Delanoë, Martine Aubry elle même, partagent-ils cette volonté de réguler et de contrôler les licenciements en France ?

La phrase prononcée par Benoît Hamon est intéressante. Elle dit une primauté de l’appareil d’Etat, censé représenter l’intérêt général, sur les acteurs de l’économie, réputés plus égoïstes. Elle dévoile une méfiance forte vis-à-vis des mécanismes de marché et tend à une administration accrue de l’économie, le palier suivant étant constitué par la nationalisation des entreprises, ou de certaines d’entre elles.

Quoi qu’elle en dise, la gauche française n’a jamais tranché ce débat. Chacun sent bien, davantage qu’il ne le sait, que la plupart des responsables du parti socialiste ont rompu avec ces idées-là. Mais on peut aussi constater que ces mêmes responsables socialistes entretiennent toujours une ambiguïté en formulant des critiques vagues et générales à propos du capitalisme, du marché, et de tout ce qui représente l’ordre économique. On a compris, qu’au pouvoir, les socialistes français sont libéraux. Mais on remarque que dans l’opposition, ils ne le sont pas. Que sont-ils ? On ne le sait pas. Ils se gardent bien de le dire franchement.
 

Dans ce débat, Benoît Hamon est plus franc du collier que la plupart de ses collègues. Il penche davantage du côté d’Olivier Besancenot que de celui de Michel Rocard. C’est en cela que son propos est intéressant. Peut-il forcer Martine Aubry et ceux qui la soutiennent à sortir de leur discours en trompe l’œil ? Sans doute pas pour cette seule raison qu’un discours clair pourrait faire éclater la majorité biscornue qui dirige aujourd’hui le parti socialiste.

Tout cela témoigne de l’extrême profondeur du malaise dans lequel se trouve ce courant de pensée dont le potentiel demeure toujours important dans l’électorat de la démocratie française. Et il faut inclure dans ce malaise aussi bien Martine Aubry que Ségolène Royal. Des règles archaïques de fonctionnement et de dévolution de pouvoir ne permettent pas aux socialistes français de se pencher sérieusement sur leur identité. Leur manque de courage face à cette épreuve intellectuelle fait le reste. Toute l’énergie collective de ce parti se concentre sur des jeux d’appareil, soutenus par des discours abscons où la rhétorique fait office d’argument et la généralité de proposition.

Ainsi armé et désarmé, ce parti court à la catastrophe, c’est-à-dire soit à la défaite électorale, soit à la déception immense si une conjonction historique largement indépendante de sa volonté lui donnait un jour le pouvoir.

J’ai cité une phrase de Bertrand Delanoë, à la fin de l’interview de Ségolène Royal, retenue par le jury de l’humour en politique : « Le vrai changement au PS, ce serait de gagner. » Si la phrase est juste, et drôle, elle est aussi profonde au sens où la première victoire des socialistes doit être remportés sur eux-mêmes. Qu’ils définissent donc clairement et honnêtement leur identité, qu’ils disent enfin ce qu’ils sont, simplement, franchement, et peut-être alors cette première victoire en amènera d’autres.

Jean-Michel Aphatie


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