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20/1/09 Jean-Michel Aphatie
L’homme le plus puissant du monde        devra aussi avoir de la chance

Dans quelques heures, Barack Obama sera à pied d’oeuvre. Enfin. La gravité des temps aura fait comprendre à la planète entière l’archaïsme de cette interminable période de transition américaine. Trois mois se seront écoulés entre l’élection de Barack Obama à la présidence des Etats-Unis et sa prise de fonction effective. Trois mois immensément longs durant lesquels la légitimité américaine a cruellement fait défaut à l’intérieur et à l’extérieur des frontières du pays qui demeure, et pour quelques temps encore, la première puissance du monde.

Les tâches qui attendent Barack Obama sont toutes urgentes, toutes pressantes, toutes graves. Qu’il conserve encore aujourd’hui, à quelques heures de sa prestation de serment, ce sourire tranquille et cette sérénité de mouvements peut procurer à ceux qui le regardent une forme de confiance indispensable à la réussite de l’action publique.
Si les tâches sont toutes urgentes, il faut donc les hiérarchiser. Elu de l’Amérique, Barack Obama doit s’occuper de l’Amérique, donc de l’économie. Un plan de relance, encore un, un plan à crédit, là-bas comme ici, sera voté rapidement semble-t-il par le Congrès. Donc, l’affaire est engagée. Mais l’élu de l’Amérique doit aussi s’occuper du monde, car le statut de l’Amérique, je le répète, demeure celui de la première puissance mondiale.

Trois dossiers internationaux réclament d’urgence l’intervention de Barack Obama. Celui d’abord des conflits où les Etats-Unis se trouvent directement engagés, Irak et Afghanistan. Celui ensuite du Proche-Orient où seule l’Amérique possède la puissance arbitrale. Celui enfin de l’Iran qui pose le problème angoissant de la reprise de la prolifération nucléaire. Ces trois dossiers peuvent être traités en même temps et de manière différenciée. Mais ces trois dossiers sont aussi liés par le fil singulier et déroutant du particularisme iranien.

L’Iran a opéré une immense révolution il y a trente ans. Désormais stabilisé, même si le système qui l’exprime demeure fragile et contesté comme le sont toutes les théocraties, le pouvoir qui en est issu travaille sans relâche à sa propre consolidation et a besoin pour cela que soit reconnu son statut de puissance régionale.

C’est par là que pourrait et devrait commencer Barack Obama. Dialoguer avec l’Iran, reconnaître la spécificité de ses intérêts dans cette région du monde et en garantir, sous des formes à définir, le respect, reviendrait peut-être à forger la clé qui ouvrirait la porte de la résolution des autres problèmes. Par exemple, la question du Hamas à Gaza, aujourd’hui soutenu par l’Iran, se poserait de manière très différente. Donc, la question de la sécurité d’Israël serait aussi profondément revisitée et du coup, celle d’un accord, qu’il faudrait un peu forcer, entre l’Etat hébreu et l’Autorité palestinienne. A ce moment là, on peut aussi l’imaginer, la pression iranienne serait ressentie très différemment en Irak, ce qui crédibiliserait l’allègement du contingent américain dans ce pays, ainsi qu’en Afghanistan, et rendrait plus facile l’accroissement du dispositif militaire là-bas.

Ce tableau, idyllique, convenons-en, a un prix. Que devrait concéder la puissance américaine, et donc le monde, à l’Iran ? Cette nation veut intégrer le club des puissances atomiques. Ses dénégations ne suffisent pas à masquer la vérité. Si rien ne se produit, et que pourrait-il se produire d’autre qu’une action militaire, la bombe iranienne sera une réalité d’ici un ou deux ans. C’est en tout cas ce qu’assurent les experts. Dans quelle mesure une action diplomatique peut-elle contrarier ce processus? Ou bien dans quelle mesure une action diplomatique doit-elle permettre à l’Iran de parvenir à son but ?

Oui mais alors, c’est là que tout à coup, le cercle qui était proche de se boucler redevient impossible à fermer. Comment faire admettre à Israël, qui vit encerclé d’ennemis, la réalité et la proximité d’une bombe nucléaire ? Comment, en outre, interdire à d’autres, Arabie Saoudite, Turquie, la possession de l’arme suprême si une fois on l’autorise ? La situation de prolifération représenterait alors une épouvantable menace pour l’humanité toute entière, au point que l’on peut se demander si le statu quo tendu et périlleux n’est pas préférable à l’ouverture et à la recherche d’un apaisement qui ne ferait que modifier de manière incertaine la réalité actuelle.

Ce raisonnement ne cherche pas à anticiper ou à deviner ce que deviendra le monde. Il représente juste un jeu de l’esprit pour tenter de mettre en lumière l’étroitesse infinie de la marge dans laquelle va se mouvoir, au cours des prochaines semaines, l’homme le plus puissant du monde. Son succès ou son échec tiendront presque exclusivement à son talent d’assembler les données explosives du puzzle qui est devant lui. Pour une petite part, il lui faudra aussi un peu de chance. Et jusqu’à présent, convenons-en, Barack Obama a toujours su aller chercher dans sa vie cette parcelle de bonheur qui transforme une existence en parcours d’excellence.

Jean-Michel Aphatie




 

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