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21/10/08 Jean-Michel Aphatie
     Dis donc, tu pourrais me prêter
                    dix milliards ?


Les chiffres donnent le tournis, et même quand on s’accroche, on a du mal à comprendre.

La une des Échos, ce matin : « L’Etat injecte 10 milliards d’euros de capital dans les banques ». Tiens donc. Ces banques françaises que l’on disait solides, si différentes des établissements anglo-saxons, si éloignées du puzzle bancaire allemand, sont donc obligées de se recapitaliser elles aussi.

Et puis, non. En lisant les papiers, on apprend que l’Etat leur prête de l’argent pour qu’elles-mêmes le prêtent à leur tour aux entreprises. Au détail, la distribution s’opère ainsi : Crédit Agricole, 3 milliards d’euros ; BNP Paribas, 2,55 milliards d’euros ; Société générale, 1,7 milliards d’euros ; Crédit mutuel, 1,2 milliards d’euros ; Caisses d’épargne, 1,1 milliard ; Banques populaires, 950 millions d’euros.

Ces dix milliards d’euros, théoriquement, seront remboursés. On lit même dans un papier (Le Parisien) que le taux d’intérêt n’est pas spécialement bon marché, 8% l’an. Là, ce sont d’autres questions qui affleurent. Les banques n’avaient donc pas de ressources propres suffisantes pour alimenter la machine du crédit ? S’il leur fallait emprunter, n’y avait-il pas de prêteurs moins gourmands ? Et enfin, un argent emprunté à 8% à l’Etat sera prêté à quel taux aux entreprises ? Sans compter une dernière question, pour la route, qui n’est pas mince. L’Etat lui-même prête aux banques un argent qu’il emprunte sur les marchés. A combien l’emprunte-t-il ? A 8%, lui aussi ? Ou bien à moins ? Et dans ce cas là, pourquoi les banques n’empruntent-elles pas directement les sommes citées, avec, par exemple, une garantie de l’Etat ?

D’ailleurs, à la réflexion, on nous avait bien présenté le plan gouvernemental de 360 milliards d’euros en deux volets. L’un devait servir à nationaliser éventuellement des banques en mauvaise santé. Il prévoyait une enveloppe de 40 milliards d’euros. L’autre volet devait servir à apporter à des prêteurs une garantie de l’Etat pour des emprunts contractés par une banque. Enveloppe prévue : 320 milliards d’euros. Pourquoi, alors, utiliser ce qui apparaît être une autre voie, une autre procédure, que celle annoncée et, pourrait-on ajouter, validée par le Parlement ?

Ces questions, c’est l’évidence, sont un peu bêtes, un peu primaires. Elles témoignent, autre évidence, d’une méconnaissance du monde de la banque et de son fonctionnement. Mais elles disent aussi autre chose, le sentiment d’incompréhension devant cette mécanique financière où l’unité de compte est le milliard et la pratique le prêt d’un argent qui n’existe pas. Aider les banques, c’est bien, c’est nécessaire. Expliquer pourquoi aussi. Sinon, c’est le désarroi, source de la révolte, que l’on alimente.

Jean-Michel Aphatie

 

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