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25/5/09 Jean-Michel Aphatie
     Européennes : 161 listes, est-ce bien sérieux ?

Nous y sommes ! La campagne des élections européennes peut démarrer car depuis ce matin, tous les candidats sont en piste. Le scrutin européen, vous le savez, se déroule dans huit régions administratives et au total, ce sont 161 listes qui se présentent aux suffrages des Français, soit 20 en moyenne par région, 28 en Ile-de-France, et 11 en Outre-Mer.

Posons-nous la question ? 161 listes, est-ce bien sérieux ? Peut-on assurer que chacune de ces listes est vraiment porteuse d’un projet européen, d’une vision européenne, d’une envie d’Europe ? Évidemment, non. Sous cet angle, d’ailleurs, les élections en France se ressemblent toutes. Pour l’élection présidentielle 2002 par exemple, 16 candidats s’alignaient sur la ligne de départ, et ils étaient 12, encore, en 2007. Parmi les 16 ou les 12 d’hier, comme parmi les 161 listes d’aujourd’hui, les motivations étaient diverses, et parfois sans rapport avec l’objet de l’élection. La volonté d’exister, de faire vivre sa boutique, de compter ses partisans, sont autant de motivations qui relèvent davantage de l’égoïsme que du souci du bien public. Tous ces courants et sous courants qui sollicitent les électeurs sans autre souhait que l’existence, en récusant par avance l’alliance ou l’influence, compliquent le débat plutôt qu’ils ne le simplifient, dégradent la politique davantage qu’ils ne la rehaussent.

Parce qu’ils s’avèrent incapables de réguler la scène politique - trop d'arrière pensées et pas assez de courage -, les responsables qui se succèdent font peser sur les médias le soin de donner la parole à tout le monde. Le CSA, bras armé de cette lâcheté, invente et impose des périodes d’équité, d’équité renforcée, et même, lors de l’élection présidentielle, d’égalité du temps de parole et d’expression des candidats dans les médias. Superbe transfert de responsabilité qui permet à la démocratie française de se donner bonne conscience alors même qu’elle vit dans le plus grand des désordres. Quelqu’un pourra-t-il citer un autre pays où plusieurs courants trotskistes, nationalistes, gaullistes, socialistes, écologistes, vraies et fausses gauches, droites dures et droites molles, plus socio- professionnels, chasseurs, pêcheurs et naturalistes réunis, peuvent ainsi présenter des candidats et percevoir ainsi, pour certains d’entre eux, un financement public ? La République est bonne fille avec l’argent des autres.

Il est écrit plus haut qu’il revient aux médias de donner la parole à tout ce monde. En fait, l’expression n’est pas juste. L’obligation, on le sait, n’incombe qu’aux médias audiovisuels. Les journaux, la presse écrite, en est dispensée. Est-ce normal ? Est-ce juste ? Est-ce équitable, dans ce pays où à propos de tout, et jusqu’à la paralysie parfois, on invoque l’équité ? Après tout, on pourrait considérer que les journaux qui bénéficient d’aides publiques, c’est-à-dire en gros plus ou moins tous les journaux d’informations générales, devraient en contre-partie participer eux aussi à cette mascarade du temps de parole donné à tous les candidats, et jusqu’aux plus farfelus. Mais cette question là, personne ne la pose.

Questionnons le même problème autrement. Est-il normal et juste que les médias privés audiovisuels participent à la pitrerie de l’équité de la même façon que les médias audiovisuels publics ? Ces derniers, on le sait, vivent grâce à l’argent public. Que donc la sphère publique en retour leur impose cette obligation, après tout, on peut le défendre. Mais les médias privés ? Eux se financent par leurs propres moyens, ils ne demandent pas d’argent au contribuable, ni au gouvernement. Ils lui en donnent, même, de l’argent au gouvernement. Alors, on pourrait les laisser en paix, ces médias privés, comme on laisse en paix les journaux de presse écrite, on pourrait leur faire confiance, les laisser libre d’organiser eux-mêmes la mission d’information qu’ils assument toute l’année.

Mais tout cela, c’est du rêve. Notre République vit depuis longtemps dans le désordre, qui n’est que le fruit de son génie pour la division. C’est ainsi que contrairement aux apparences, les règles d’expression dans le débat public ne sont pas un facteur d’ordre, mais bien une prime aux désordres.

Jean-Michel Aphatie

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