www.claudereichman.com


Accueil | Articles | Livres | Agenda | Le fait du jour | Programme

A la une

11/12/08 Jean-Michel Aphatie
      En France, 80 % des députés se                 foutent de l’Europe !

C’était hier, mercredi, à 15 heures. Les images sont visibles sur France 3. Tout le monde s’en fout, je le sais, et je sais pourquoi. Parce qu’écrire, dire, s’étonner ou s’indigner, n’aura de toutes les façons aucun effet. Et puis aussi parce qu’il y a des choses plus importantes, dans le monde et en France aujourd’hui. Mais tant pis, il faut le dire, l’écrire et le crier. Alors j’y vais.

Les députés français se plaignent de n’être pas assez considérés. Ils veulent, puisqu’ils représentent le peuple, être associés, consultés, questionnés, sondés, écoutés. Ils réclament donc, régulièrement et avec des accents convaincants, des débats sur tout et sur rien, ils ont des avis, des idées et puis, que voulez-vous, ils représentent le peuple, ce n’est pas rien.

A force d’être répétées, ces demandes ont été honorées. Sans conviction, ni chaleur, l’exécutif s’est habitué à organiser des débats, le plus souvent sans vote, qui donnent au parlement le sentiment d’exister. C’est ainsi qu’hier, à la place des traditionnelles questions d’actualité - nous étions mercredi, je vous le rappelle - était programmé un débat sur l’Europe, et plus précisément sur les thèmes qui seront en discussion aujourd’hui et demain à Bruxelles, lors du dernier conseil sous présidence française.

Regardez donc, sur Internet ou ailleurs, les images de l’Assemblée nationale à 15 heures. Les membres du gouvernement concerné par ce débat sont à leur banc. Quelques députés y sont aussi du côté gauche de l’hémicycle. Pas nombreux, faut pas croire, trente, quarante. Mais ils sont assez pour se moquer de la droite. Là, c’est simple, il n’y a personne, pas un chat, pas un clampin, pas un député.

Petit à petit, au fil des minutes, ici et là, quelques élus apparemment écrasés par la chaleur de décembre, s’installent les épaules basses et l’air fatigué sur les sièges qu’ils occupent au nom du peuple français. Au plus fort de la tempête, peut-être ont-ils été une centaine dans l’hémicycle, cent sur 577, quelle tristesse, quelle honte !

On nous explique à longueur de temps, et d’ailleurs on nous ment, que les députés sont présents en commission et pas en séance. Pourquoi ? Parce qu’il ne sert à rien d’être cinq cents pour faire la loi. Bon. J’ai écrit que l’on nous mentait parce que même en commission ne viennent qu’une poignée des membres concernés. Je l’écris, parce que j’ai entendu récemment un ministre s’angoisser à l’idée que les députés de gauche soient plus nombreux que ceux de droite pour l’examen de son texte devant la commission ad hoc. Ah bon, ils ne viennent pas non plus en commission ? ai-je sottement demandé. Si vous saviez, a-t-il répondu, les yeux au ciel. Mais passons. Donc, officiellement, la commission sert à quelque chose, la séance à pas grand chose. Regardez l’hémicycle durant l’actuelle discussion sur le projet de loi audiovisuel. Ils sont dix à tout casser, cinq à droite, cinq à gauche, plus Christine Albanel harassée et quelques uns de ses conseillers.
 

Mais au moins, on pourrait attendre des députés qu’ils inscrivent sur leur agenda comme obligatoire leur présence lors des débats de politique générale. Hier, le premier ministre de la République française - ce n’est pas rien le premier ministre de la République française - venait leur causer de l’Europe. Eh bien, 80% des députés français ne sont pas venus. Consternant.

Voilà quelques semaines déjà, j’ai fait un billet sur un thème identique. J’ai lu en réponse, sur le blog d’un assistant parlementaire anonyme, une réponse indignée. Comment ? Ce journalisme est d’un poujadisme, etc. Enfin, vous connaissez la soupe.

Pourtant, les choses sont simples. Etre député, c’est important, digne, noble. Comment comprendre que des citoyens investis de cette charge ne s’y consacrent pas entièrement et effectivement ? Comment accepter que des représentants de la Nation fassent autre chose, cet odieux cumul des mandats que personne dans le monde, excepté nous, ne pratique ? Quelle palinodie, tout de même, que de réclamer le respect de l’exécutif, que de procéder à des modifications institutionnelles pour donner plus de pouvoir au législatif, pour constater finalement que les députés s’en foutent, qu’ils désertent un débat sur l’Europe parce qu’ils ont mieux à faire ailleurs, et où donc ? ils ne nous le diront jamais.

La colère est inutile, elle est sotte, elle est vaine. Il se trouvera sans doute de beaux esprits pour disqualifier ce billet, sa pensée, et défendre l’indéfendable. Mais ce n’est pas parce que c’est vain qu’il ne faut pas l’écrire. Ce n’est pas parce que d’autres urgences nous assaillent qu’il faut déserter ce combat là. Rendre sa dignité au parlement est utile à la collectivité. Pour cela les remèdes sont connus : fin radicale du cumul des mandats, diminution drastique du nombre de députés et de sénateurs, renforcement des moyens des parlementaires et des commissions pour permettre un vrai, sincère et efficace contrôle de l’exécutif par le législatif, rendre au total aux parlementaires un honneur et une dignité dont ils se soucient eux mêmes trop peu.

Jean-Michel Aphatie

Accueil | Articles | Livres | Agenda | Le fait du jour | Programme