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4/9/09 Jean-Michel Aphatie

Désavoué, François Fillon va-t-il envoyer les blindés à l’Elysée ?

Le journalisme est un métier. Ce ne sont pas mes amis de Marianne qui me contrediront. Il faut donc toujours revenir aux textes, les citer, les décortiquer, s’user les yeux sur la prose pour tenter, non pas de comprendre le désordre gouvernemental, impossible, ils ont trop de talent, mais seulement de suggérer les questions qui pourront, un jour, montrer le chemin.

Les textes ? D’abord, la constitution de 1958, son article 20, limpide, clair, simple :

Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation.
Il dispose de l'administration et de la force armée.
Il est responsable devant le Parlement dans les conditions et suivant les procédures prévues aux articles 49 et 50.

Deuxième texte: Le Figaro Magazine de cette semaine. Dedans, page 28, une interview de François Fillon, premier ministre, chef du gouvernement, le gouvernement étant ce groupe d’hommes et de femmes lié par l’amitié et soudé par la fidélité au chef de l’Etat qui dirige la France, selon les termes, justement, de l’article 20. Que dit François Fillon, chef du gouvernement, dans l’interview du Figaro Magazine sur la taxe carbone, appelée aussi « contribution climat énergie » pour mieux faire passer la pilule :

"Nous avons décidé d'appliquer de façon progressive cette taxe. En partant du prix de la tonne [de carbone] sur le marché, soit 14 euros. Ensuite, nous mettrons en place une commission indépendante chargée de mesurer les effets de la politique mise en œuvre et de proposer des correctifs"

Dans cette phrase, le « nous » ne doit pas être entendu comme un pronom de majesté. Il ne s’agit pas de « nous » François III, roi de France (puisqu’on s’était arrêté à II, avant). Non, il s’agit de « nous », gouvernement de la France, l’équipe de copains qui « détermine et conduit » la politique de la Nation comme indiqué à l’article 20 de la Constitution (je répète pour ceux qui ne suivent pas).

Tout cela est clair, net, précis, sans bavure, insusceptible de recours devant les tribunaux, incontestable dans Marianne et ailleurs, imposable même au conseiller présidentiel Patrick Buisson, ce sont des faits, et pour un journaliste carte de presse numéro 212, donc délivrée tout de suite après la guerre de 14-18 par une commission distraite, les faits donc, je mets donc parce que je suis sûr qu’il y en a qui ne suivent plus, donc, donc donc, les faits ça compte...

Tout cela posé avec brio, je peux enfin vous faire part de mon étonnement. En sortant hier d’un rendez-vous avec le président de la République, deux écologistes sans pouvoirs institutionnels, Cécile Duflot, secrétaire général des Verts, et Jean-Paul Besset, député européen, ont assuré qu’en matière de taxe carbone, rien n’était arbitré, ni le montant, ni autre chose. Pour affirmer cela, ils ont cité Nicolas Sarkozy et ajouté que celui-ci leur avait indiqué qu’il n’avait même pas lu Le Figaro Magazine. Et pour clore le chapitre, il a été indiqué que les choix seraient faits aujourd’hui, à l’Elysée, sans préciser si ce serait en présence ou non du chef du gouvernement.

Si cela se confirme, que pourrait faire le premier ministre ? Demeurer impavide et supporter l’humiliation. Il a l’habitude. Ce ne sera qu’un chapeau de plus à avaler. Après son passage à Matignon, il pourra ouvrir un magasin.

Ou bien, il peut démissionner. « Nous » sommes désavoués, « nous » partons. François III, retour dans son duché des pays de Loire. Ce serait beau. C’est improbable.

Ou alors, troisième solution à laquelle personne ne pense, je suis sûr que même à Matignon aucun conseiller ne lui a fait une fiche dans ce sens, François Fillon fait donner la troupe contre l’Elysée, blindés de 1952 rue du Faubourg Saint- Honoré, Mirages de 1962 dans les airs et sous-marin de poche dans la Seine. Excessif direz-vous ? Mais sots que vous êtes, reportez-vous donc aux textes. Que dit l’article 20 de la Constitution ? Ceci (bis repetita) :

Le Gouvernement (...) dispose de l'administration et de la force armée

Alors ? Je vous l’avais bien dit : les textes, rien que les textes. C’est beaucoup plus clair comme cela.

Jean-Michel Aphatie

 

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