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19/12/08 Bernard Martoïa

L'Amérique peut-elle être sauvée ?

Charles Erwin Wilson (1890-1961) devint en 1941 le président de la General Motors avant d'être choisi comme secrétaire de la défense par le général Eisenhower en 1953. Il disait : "Ce qui est bon pour General Motors est bon pour l'Amérique !"

Non contents de bourrer le crâne des gogos, les Keynésiens s'en prennent à ceux qui leur résistent. Paul Krugman, l'éditorialiste du New York Times, s'est attaqué à la chancelière Angela Merkel dans son éditorial du 15 décembre, "European Crass Warfare", qui pourrait se traduire ainsi : "La guerre minable menée par certain(e) en Europe."

Est-ce que le nouveau lauréat du prix Nobel d'économie se sent investi d'une mission universelle ? Tout porte à le croire : "Je veux parler d'Angela Merkel, la chancelière allemande, qui est devenue le plus grand obstacle au plan de sauvetage dont a tant besoin l'Europe !" N'en déplaise au gourou keynésien, c'est son pays qui nous a foutus dans la merde par sa cupidité sans borne. Je reviendrai dans un prochain article sur les primes indécentes qui ont été accordées aux courtiers de Wall Street. Jérôme Kerviel est un ange en comparaison de ces derniers. L'Amérique se noie dans un océan de dettes et elle a besoin de l'Allemagne, de l'Europe, de la Chine, de l'Asie, en résumé de toute la planète, pour se sortir de son pétrin.

La fourmi Angela a eu raison de tenir tête aux keynésiens pour deux raisons. D'une part, une relance n'est pas la solution que préconisent les tenants de l'école autrichienne. D'autre part, personne ne pourra sauver l'Amérique tant sont faramineuses les masses d'argent qui sont en jeu.

Les vrais chiffres du plan de sauvetage

Dans son édition du 13 décembre 2008, le Wall Street Journal a fourni les vrais chiffres derrière les multiples plans de sauvetage en cours.

Depuis le déclenchement de la crise des subprimes en août 2007, la Fed s'est engagée pour un montant de 1,9 trillion de dollars (1900 milliards) pour sauver les marchés financiers d'un risque systémique ; principalement sous la forme de papier commercial (1,6 trillion de dollars) afin de relancer le crédit interbancaire. Malgré cette action démesurée, la confiance n'est pas revenue. Le marché se tromperait-il en évaluant les actions à des cours comparables à ceux des années trente ? Il anticipe tout simplement une grande dépression.

Le Trésor américain s'est engagé à garantir 335 milliards de dollars de créances douteuses dans son programme baptisé Troubled Asset Relief Program (TARP) Il est venu au secours à deux reprises de l'assureur A.I.G (85 milliards de dollars le 16 septembre et 78 milliards de dollars le 9 novembre 2008) et de Citigroup en lui donnant 20 milliards de dollars et en se portant garant de 306 milliards de dollars de créances douteuses le 24 novembre 2008.

Séparément, le Trésor a investi 14 milliards de dollars dans Freddie Mac. Cette agence de refinancement hypothécaire a été nationalisée en septembre. Il a aidé aussi sa sœur jumelle Fannie Mae en lui rachetant 49 milliards de dollars de créances irrécouvrables (subprime). En tout, le Trésor a déjà dépensé 398 milliards de dollars. Il peut encore compter sur 350 milliards de dollars qui lui ont été accordés, en période électorale, par le congrès américain. Henry Paulson a déclaré qu'il laissait cette réserve à son successeur Timothy Geithner.

Le Department of Housing and Urban Development (ministère du logement et de l'urbanisme) a promis 300 milliards de dollars aux deux millions et demi de ménages surendettés qui risquent de se retrouver demain à la rue.

La procédure d'éviction

Un officier de police laisse une note au propriétaire lui enjoignant de quitter son domicile dans un délai d'un mois. A la date butoir, si le propriétaire n'est pas parti, le shérif, accompagné du représentant de la banque, expulse le récalcitrant. Les meubles et les vêtements sont mis sur le trottoir. Dans 99 % des cas, le propriétaire a évacué sa maison avant la date butoir. Les shérifs sont débordés de travail.

Le New Yorker a raconté, dans son numéro du 24 novembre 2008, le cas tragique de madame Addie Polk, une veuve de quatre-vingt dix ans, qui s'est tirée une balle dans l'épaule, alors qu'elle visait sa poitrine, lorsque le shérif d'Akron dans l'Ohio, est venu frapper à sa porte à la date butoir. Son histoire a fait le tour de l'Amérique.

Cette vieille dame avait acheté avec son mari sa petite maison pour un montant de 10.000 $ en 1970. Le prêt avait été remboursé bien avant la date du décès de son mari en 1995. Un jour, un banquier est venu lui proposer de gager sa maison pour bénéficier d'une couverture améliorée de soins de santé. Il lui a offert un prêt pour un montant de 21.000 $ en 1997. Quatre ans plus tard, elle a accepté d'un autre banquier un prêt supérieur car la valeur de sa maison avait considérablement augmenté. (46.000 $) Elle n'avait pas fini de rembourser son premier prêt. Elle s'est trouvée prise au piège du rééchelonnement de la dette lorsqu'elle n'a pas pu rembourser les mensualités avec sa maigre pension de réversion. Un représentant de la Countrywide (la banque a fait faillite depuis) lui a proposé en 2004 un rééchelonnement jusqu'en 2034 alors que cette vieille dame avait 86 ans. Qu'à cela ne tienne !

L'échec de la politique faisant appel aux bons sentiments des banquiers

Un programme baptisé "Hope of Homeowners" (l'espoir pour les propriétaires de maisons) a été lancé en octobre. Il autorise les banques à se délester des emprunts hypothécaires à haut risque (subprime) qui seraient repris par l'État. En contrepartie, les banques doivent consentir un sacrifice en rognant sur le principal. Les banquiers renâclent et le programme est au point mort. Le robinet ne laisse couler qu'un filet d'eau…

Un bilan très provisoire des opérations de secours

Le total des opérations engagées pour sauver l'Amérique s'élève à 2.3 trillions de dollars (2 300 milliards de dollars) Pour mémoire, le plan de relance du gouvernement français est de 26 milliards d'euros. On n'est pas dans le même registre de grandeur ou de folie.

Le Trésor américain a d'autres engagements en tête qui n'ont pas encore été formalisés. Il serait prêt à soutenir l'industrie de la finance (mutual funds) à hauteur de 3 trillions de dollars ! Pour l'instant, il n'a pas aidé un seul de ces géants qui gèrent, entre autres choses, les fonds de pension par capitalisation, lesquels sont massacrés par une chute vertigineuse à Wall Street.

La déliquescence des banques américaines

Le Federal Deposit Insurance Corp (FDIC) garantit 700 milliards de dettes contractées par les banques. Depuis novembre 2008, la situation a empiré. Six banques ont fait faillite depuis cette date : The Community Bank à Loganville en Géorgie, Downey Saving and Loans à Newport Beach en Californie, PFF Bank and Trust à Pomona en Californie, First Georgia Community Bank à Jackson en Géorgie, Haven Trust Bank à Duluth en Géorgie, et Sanderson State Bank à Sanderson au Texas. Le rythme de faillite s'est sensiblement accéléré.

Le FDIC vient d'adopter, le 16 décembre 2008, une augmentation de la prime de risque pour l'année 2009. Pour chaque dépôt de 100 dollars, la prime qui était comprise entre 5 et 43 centimes, va passer entre 12 et 50 centimes. Cette prime est fonction de la qualité de l'établissement bancaire. Le FDIC a classé les banques en cinq catégories. Les banques bien capitalisées devront verser une assurance de 12 centimes par 100 dollars de dépôts de particulier et les banques sous capitalisées une assurance de 50 centimes. Le FDIC agit comme une agence de rating.

Dans son communiqué, le conseil d'administration du FDIC a indiqué que le nombre de banques en difficulté, est passé de 117 en juin, à 171 aujourd'hui. La réserve est tombée à 0.74 %, le plus bas niveau enregistré depuis 1974. En dessous du seuil de 1.15 %, le FDIC est tenu d'intervenir. Ces chiffres sont très inquiétants…

Le pompier pyromane a l'oreille du futur locataire de la Maison Blanche

L'administration de Barack Obama demandera-t-elle une rallonge au Congrès ? C'est ce que conseille Paul Krugman. Il a d'ailleurs écrit qu'il fallait se montrer très audacieux dans la crise actuelle. Il préconise d'injecter pas moins de trois trillions de dollars dans l'économie américaine ! Cela représente 10.000 $ par individu pour un pays de trois cent millions d'habitants. On est loin du paquet de 700 milliards de dollars du plan Paulson.

Cette technique de jeter l'argent par les fenêtres a été vulgarisée par le monétariste Milton Friedman sous l'appellation de "helicopter drop" (arrosage massif) La presse a d'ailleurs surnommé Ben Bernanke, le gouverneur de la Fed, "Helicopter Ben", pour ses interventions massives et répétées.

Cette folie est dénoncée par l'institut Ludwig von Mises. Llewellyn H. Rockwell, le président de cette fondation, vient d'écrire un article virulent "Join the Fight" (Rejoignez-nous pour mener le combat !) Il est disponible sur la toile pour ceux qui s'inquiètent.

La conclusion de l'article du Wall Street Journal n'est pas très rassurante : "Si l'économie américaine se stabilise, ce plan de sauvetage pourrait être profitable au contribuable. Si la récession se creuse et que le marché n'entre pas en convalescence, alors ces pertes pourraient être très larges un jour..."

La fourmi Angela a raison de se tenir à l'écart. Le Congrés américain a refusé de sauver Detroit et son industrie automobile. "Ce qui est bon pour General Motors est bon pour l'Amérique", disait Charles Wilson. Puisque l'Amérique se renie, pourquoi la sauver ?

Les événements qui se précipitent apportent de l'eau à mon moulin. Dans mon article du 12 décembre 2008, « Faut-il craindre la déflation ? », j'ai évoqué cette hantise des keynésiens. Elle se réalise sous nos yeux pour peu que l'on s'intéresse à l'histoire économique et que l'on ne soit pas schizophrène pour appréhender la réalité. Les statistiques sont implacables. Les prix ont baissé de 1.7 % en novembre aux États-Unis et de 0.5 % en France. Cela donne à réfléchir.

Bernard Martoïa

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